Critique
Le cinéaste américain Darren Aronofsky n'est pas de ceux qui ont froid aux yeux: l'intrigue de son film est compliquée à souhait. En simplifiant à l'extrême, on dira qu'il s'agit là des combats menés à travers les âges par un homme qui veut sauver de la mort la femme qu'il aime. Tommy (ou Tomas, ou Tom Creo, c'est selon les époques) sera tantôt conquistador chez les Mayas (au XVIe siècle), tantôt (de nos jours) neurochirurgien à la recherche d'un traitement capable de guérir du cancer son épouse Izzy, tantôt enfin astronaute lové en lotus dans un vaisseau spatial en forme de bulle de verre transparente (situons cela vers le XXVIe siècle). Trois personnages confrontés aux mystères de la vie, de la mort et de la réincarnation. Tous trois (c'est en tous cas ce que le chroniqueur croit avoir saisi, mais c'est selon...) parviendront à une forme de sérénité.
Le film n'est pas à jeter avec l'eau du bain, mais il faut être clair: chacun devra souquer ferme s'il veut éviter la noyade. Vous voilà prévenus.
Voyage vers une destination inconnue, amalgame pseudo-philosophique privé de repères clairs, THE FOUNTAIN est un véritable embrouillamini. Un exemple? Izzy, Madame Tommy à la ville (ou Isabelle la Catholique quand il s'agit d'Inquisition, ou image féminine hantant la mémoire de l'astronaute futuriste), met la dernière main à un roman intitulé The Fountain. Un livre qui relate précisément les aventures d'un conquistador et d'un cosmonaute à la recherche de l'Arbre de vie. Or cet aventurier n'est autre que Tommy lui-même, à qui sa femme Izzy demande d'achever le roman...
Avec ses constants aller et retour entre trois époques différentes, THE FOUNTAIN contraint le spectateur à une gymnastique cérébrale fatigante. Film trop complexe (il eût fallu distribuer au spectateur un guide explicatif...) ce drame fantastique n'échappe pas à un naufrage annoncé. De bons acteurs (Hugh Jackman, Rachel Weisz, Ellen Burstyn) ont prêté leur concours à cette création que l'on qualifiera au mieux de délire poético-métaphorique, ou au pire d'amphigouri obscurantiste et pénible. Pressentis pour les rôles-clés, Brad Pitt et Cate Blanchett auraient décliné l'offre. On peut les comprendre.
Antoine Rochat