Critique
"Sur le fond sombre d'une programmation où dominaient des films plutôt noirs voire déprimants, voilà une petite comédie dramatique qui répandait un modeste éclat de douceur et de tendresse. Qui, comme il se doit, a été chaleureusement accueillie par une grande partie des festivaliers mais dûment démolie par une certaine intelligentsia (Libération s'offusquant que même des ""accrédités"" - soi-disant journalistes - aient pu se laisser à battre des mains en rythme sur la chanson du générique de fin: ne restait qu'à distribuer les médicaments aux pensionnaires du home de vieillards...)
Rien d'étonnant. Nous avons chez nous un cas réel, celui d'Alain Morisod, adulé par beaucoup, jugé ringard par d'autres. Eh! bien, figurez-vous que Gérard Depardieu joue (bien, car bien encadré) le rôle d'un chanteur de bal, Alain Moreau (!), homme mûr qui fait la connaissance d'une jeune femme (la lumineuse Cécile de France), courtière d'un agent immobilier de Clermont-Ferrand. Et le rocker un peu amorti qui ne bouge plus assez sur scène (à son ex-femme qui lui reproche d'être comme une montagne, il répond ""je suis le Massif Central""...) se ranime, reprend goût à une vie moins plan-plan.
Illustré par des chansons bien choisies dont les paroles viennent en contrepoint de l'intrigue, QUAND J'ETAIS CHANTEUR, quoi qu'on dise, donnera le sourire à bien des spectateurs.
Daniel Grivel
Sans qu'on puisse crier au chef-d'œuvre, le film de Xavier Giannoli est une bonne surprise. D'abord parce qu'on y retrouve un Depardieu au meilleur de son talent d'acteur, ensuite parce que la finesse d'observation est au rendez-vous et que le film sonne juste. QUAND J'ETAIS CHANTEUR nage heureusement à contre-courant de la banalité d'une certaine production française actuelle.
Alain Moreau (Gérard Depardieu), la cinquantaine passée, est un chanteur de bal, un crooner qui parcourt les salles de fêtes et les maisons de retraite d'Auvergne. On est loin de l'agitation de la techno... Personnage tantôt perdu dans ses pensées, tantôt revenu de tout, il continue à faire son boulot, à pousser la chansonnette (""Quand j'étais chanteur"", de Delpech, et d'autres tubes de l'époque, de Mort Shuman à Serge Gainsbourg, etc. Depardieu les interprète lui-même, et bien!) Avec un professionnalisme un peu fatigué, il chante l'amour, mais ne le vit plus, ou pas très bien. Le déclic, ce sera la rencontre avec Marion (Cécile de France, excellente), une jeune femme qui vient de quitter son mari et qui est à la recherche d'un second souffle. Agente immobilière exigeante et sérieuse, elle doit élever son enfant.
Le personnage d'Alain, cet homme qui ""aime à faire plaisir aux gens et les faire danser"", Depardieu l'investit de toute sa sensibilité retenue, de son talent retrouvé. On découvre ici une discrétion de jeu peu habituelle chez ce comédien devenu au fil des ans un ""monstre sacré"", une super-star souvent envahissante. Xavier Giannoli a réussi à l'apprivoiser. Les dialogues et la mise en scène - assez froide parfois, distante mais efficace - sont en adéquation. avec le propos.
""Les chansons sont aussi là, très intimement liées à l'histoire. Elles en sont la voix intérieure"", dit le cinéaste. Et d'ajouter: ""Je suis sûr qu'en regardant bien les danseurs sur une piste de bal, on en comprendra davantage sur les mouvements du monde."" QUAND J'ETAIS CHANTEUR est en effet une histoire de regards, un film sans prétention, mais réussi.
Antoine Rochat"
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