Lumières du faubourg (Les)

Affiche Lumières du faubourg (Les)
Réalisé par Aki Kaurismäki
Pays de production Finlande, Allemagne, France
Année 2005
Durée
Genre Drame
Distributeur Pyramide Distribution
Acteurs Janne Hyytiäinen, Maria Heiskanen, Maria Järvenhelmi, Ilkka Koivula, Aarre Karén
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 526
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Avec LES LUMIERES DU FAUBOURG (l'allusion à Chaplin n'est pas fortuite), le réalisateur finlandais boucle sa trilogie comprenant déjà AU LOIN S'EN VONT LES NUAGES (1996) et L'HOMME SANS PASSE (Prix œcuménique Cannes 2002). Après le chômage, la pénurie de logement, voici la solitude.

Koskinen est un homme seul, et ""cela se voit"", comme le dit un des personnages qu'il lui est donné de rencontrer. Dans une Finlande prospère, proprette et policée (voire ""peau lissée""...), il travaille comme vigile de nuit pour une société de surveillance. Lorsqu'il n'est pas le souffre-douleur des plus forts, il est ignoré. Il porte sur lui l'air de la victime consentante. Ses projets de lancer sa propre petite entreprise sont réduits à néant par les manipulations d'une jeune femme elle-même assujettie à des malfrats.

Tourné dans des couleurs froides où le bleu domine, sur fond de tangos mélancoliques, le film étreint le spectateur ému par celui en qui on pourrait voir le serviteur souffrant. ""L'auteur (...) a la réputation d'un vieil homme au cœur tendre, on peut donc espérer qu'une étincelle d'espoir illuminera la scène finale."" Sera-ce le cas? Allez-y voir...



Daniel Grivel





Le réalisateur finlandais termine ici son triptyque sur les tragédies sociales. Exemplaire par sa maîtrise et son économie, ce film touche profondément.

Koistinen (Janne Hyytiäinen) est désespérément seul. Son existence désespérément triste. Son emploi désespérément monotone. Un jour pourtant, tout s'illumine sous la blondeur de Mirja (Maria Järvenhelmi). La jeune femme le voit dans un bar et s'assied en face de lui pour faire connaissance. Elle est belle et douce, cela ressemble à un conte de fée, se dit à peine Koistinen, car il a trop envie d'y croire. Il se trompe, bien sûr, et se trouvera très vite emporté, dupé par le plan tortueux d'une bande mafieuse.

La banalité de l'histoire est déconcertante, le même scénario a été usé par une somme de films, et pourtant... Tant de réalisateurs, désireux de faire passer un message, se perdent dans des démonstrations qui accumulent les problèmes, sans parvenir à convaincre. Ici, tout est dit, avec rien. Celui qui fait la différence, c'est Aki Kaurismäki, réalisateur finlandais dont la maîtrise cinématographique est exemplaire. LES LUMIERES DU FAUBOURG est un modèle de finesse, de causticité, de compréhension de l'âme humaine.

""J'ai voulu montrer une histoire sur la Finlande, connue comme l'un des pays les plus riches, au sommet des comparaisons internationales, où les gens sont si heureux qu'ils dorment en souriant"", explique Kaurismäki qui clôt ici une trilogie sur les problématiques sociales. AU LOIN S'EN VONT LES NUAGES (1996) parlait du chômage. L'HOMME SANS PASSE (2002) explorait le monde souterrain des sans-abri. ""J'ai réalisé le premier volet sur le chômage, sujet que personne ne voulait traiter au cinéma parce qu'il n'est pas intéressant du point de vue commercial. Je détestais les cinéastes pour cela et en même temps, je comprenais que j'étais l'un d'eux... Je devais donc réaliser le film. Pour le deuxième volet cela a été pareil.""

Le troisième film traite de la solitude et du besoin d'amour. C'est un thème universel. Et parce qu'il s'agit d'amour, il est moins oublié par le cinéma, pour autant qu'il prenne garde à ne pas déprimer son public. Mais Kaurismäki est bien au-delà du souci de plaire ou de déplaire. Il veut ""dire"". Ou plutôt ""montrer"", parce que la parcimonie des dialogues oblige les images à parler au spectateur.

Il s'est passé quatre ans entre les deux derniers films du réalisateur qui se défend d'être lent. Mais il avoue que lorsqu'il ne tourne pas, il va pêcher, cultiver son jardin ou cueillir des champignons. Ces moments de non-film sont probablement ceux pendant lesquels il aiguise son observation. Car c'est là son génie, son regard est si épuré qu'il est en mesure de donner en un plan l'expression ou les gestes décisifs. Dès lors, le scénario, qu'il dit avoir écrit en trois jours, se découpe à la manière d'une bande dessinée, plans fixes serrés sur le strict minimum.

Cela implique, autre génie, une remarquable maîtrise de la direction d'acteurs. Ceux-ci se fondent dans leurs personnages, définitivement Koistinen ou Mirja. Et leur aventure a beau danser sur les limites du simplisme, elle embrasse la condition humaine: argent, clivages sociaux, séduction, timidité masculine, femme-objet, amitié... Tout cela se pose par petites touches, à peine éclairées par un décor figé: rues vides, bars à saucisses, docks interminables, couleurs à dominantes gris-bleu. Kaurismäki, avec l'âpreté de son humour, donne des tons froids à la vie en liberté, tandis qu'il pose des oranges et du rouge sur la prison. C'est d'ailleurs en prison, que Koistinen rira, pour la première et la dernière fois.



Geneviève Praplan"

Ancien membre