Flandres

Affiche Flandres
Réalisé par Bruno Dumont
Pays de production France
Année 2006
Durée
Genre Drame, Guerre, Action
Distributeur Tadrart Films
Acteurs Samuel Boidin, Adélaïde Leroux, Henri Cretel, Inge Decaesteker, Jean-Marie Bruveart
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 526
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Bruno Dumont (LA VIE DE JESUS, L'HUMANITE, TWENTY NINE PALMS) recourt à de non-professionnels pour camper des personnages plutôt frustes. La prise de son est aussi médiocre (est-ce voulu?) que sont lugubres les paysages du Nord - Pas-de-Calais où évoluent ses jeunes terriens qui, les travaux de la ferme mis à part, n'ont guère d'autres activités que de siffler des canettes de bière et de tirer des coups vite fait. Rappelés par l'armée pour aller guerroyer contre un ennemi insaisissable dans un pays désertique, quelques jeunes (dont Demester, qui aime Barbe, son amie d'enfance, sans grand espoir de retour) y vont sans trop se faire prier. Après une remise à jour (tout juste esquissée dans le film) de leurs connaissances militaires, ils sont lâchés dans une nature hostile, aussi poussiéreuse que leur campagne était bourbeuse, et découvrent les horreurs de la guerre.

Minimaliste à l'image de ce qui tient lieu de dialogues, faits de borborygmes et de monosyllabes, le film est ""brut de décoffrage"". On peut par ailleurs se demander comment un commandement militaire peut envoyer au casse-pipe un groupe de jeunes soldats inexpérimentés, qui n'auront qu'un seul contact, visuel et distant, de camarades sanitaires venus par hélicoptère enlever la dépouille calcinée de leur lieutenant ratatiné par une mine, et que l'on ne voit jamais manger ni boire... Seul le sexe semble être leur moteur, au civil comme à l'armée.

Une fable plutôt déprimante - mais la vie n'est pas toujours un bouquet de roses.



Daniel Grivel





Magnifique autant que douloureux, FLANDRES est une œuvre naturaliste, qui met l'humanité de ses personnages au centre de l'écran. Le film a obtenu le Prix du Jury au dernier Festival de Cannes.

C'est un Nord lourd de pluie et si les horizons sont infinis, le sol boueux englue tous les rêves. C'est dans ce coin de France qu'habite Demester (Samuel Boidin). Jeune homme solitaire, il n'a que deux raisons de vivre, sa ferme et Barbe (Adélaïde Leroux), jeune femme fragile qu'il aime en secret mais qui ne lui donne rien. Au cœur de la monotonie, l'engagement, en Irak ou ailleurs, apparaît comme une ouverture, une libération. Pourtant, il va y trouver la barbarie, au risque de se transformer lui-même en sauvage. Tandis qu'au pays, Barbe réalise peut-être, en l'attendant, le prix du sentiment qu'il lui porte.

Bruno Dumont explique que ses paysages ne sont pas à voir comme des sites, mais comme l'intériorité du personnage. Ses larges panoramiques qui s'attardent sur des Flandres françaises humides, immobiles, presque dévouées à l'hiver, sont bien l'image d'un homme illimité dans le désir d'un bonheur simple, mais douloureusement enfermé dans un climat local brut, désolé. Demester n'est pas causant. Lorsqu'il part ""faire son tour"" avec son amie, ils ne parlent pas, se contentent d'être, l'un à côté de l'autre. Lui tendu vers elle, elle presque inerte. Leur silence, leur expression, leur corps et le paysage disent tout ce qu'il y a à dire.

Ce sont des personnages qui n'ont rien de commun avec ceux du cinéma commercial. Les comédiens qui les incarnent ne sont même pas des professionnels. A l'instar des frères Dardenne, Bruno Dumont porte un regard généreux et naturaliste, sur les gens humbles. Ceux qui n'entrent jamais dans les romans. Ceux qui vivent de rien, là où il ne se passe rien, où il n'y a rien à dire, où la vie est définitivement banale. La guerre va les jeter dans une barbarie où ils apparaissent totalement égarés, hébétés. En l'absence des soldats, Barbe subit une crise grave. Son père abattu dira, laconique, ""après la mère, la fille"". Et toute l'histoire de la famille, toute la douleur du monde sont contenues dans ces quelques mots.

Le réalisateur n'abandonne jamais son souci des personnages qu'il ausculte ici à travers le double enfer de la guerre et de la folie. Jamais il n'en fera un mélodrame ou un cataclysme. Tout reste dans le non-dit, le non-geste, mais avec des séquences dont le pouvoir de suggestion semble inépuisable. Viennent alors les questions qui s'accumulent et auxquelles on voudra réfléchir, plus tard, quand le film sera fini. C'est l'intérêt du cinéma de Bruno Dumont que de montrer combien l'âme humaine est complexe.



Geneviève Praplan"

Ancien membre