Critique
"Une jeune fille de 19 ans s'apprête à commettre un attentat-suicide à Times Square. Elle n'a aucun accent, il est donc impossible de savoir d'où elle vient. On ne sait pas pourquoi elle a pris cette décision, ni pour qui elle travaille, ni même quelles sont ses convictions. Nous savons seulement que nul ne pourra l'en détourner. Ce film ne garde de l'histoire que ses points névralgiques, il se concentre sur d'infimes mouvements, des gestes imperceptibles, des détails à peine visibles. Seuls quelques personnages très flous guident cette fille sur son cheminement. Dans l'esprit des films sur la figure sacrificielle de Jeanne d'Arc, son visage exprime toutes les nuances de l'histoire. L'austérité de ce visage tranche avec le bruit et la fureur de la ville. C'est ici que la foi est mise à l'épreuve par l'éventualité d'un échec.
Tout est dit dans ce synopsis, les questions qui restent en suspens, la volonté inébranlable d'une jusqu'au-boutiste, sa lente et inexorable descente aux enfers. La force de cette œuvre tient avant tout au visage de cette fille, pratiquement le seul personnage de l'histoire, un visage qui ne quitte pas l'écran. A la recherche d'une actrice pour jouer ce rôle, Julia Loktev avait écrit: ""Elle doit être transparente en dépit de tous ses efforts pour demeurer opaque. Elle doit tout transmettre, même quand elle ne fait rien en apparence. Elle doit être centrée sur elle-même: quand elle regarde le monde, elle doit regarder vers l'intérieur. Elle subit les événements, et son visage doit refléter leur passage."" Luisa Williams a pleinement répondu à cette attente."
Georges Blanc
