Critique
Années 80, Haïti connaît la dictature. Cela n'empêche pas les touristes de venir pour les plages (paradisiaques), aveugles qu'ils sont aux réalités politiques locales. Parmi ceux-ci des femmes mûres, seules et en manque d'affection, de tendresse et parfois de plaisir. Elles ont besoin d'être vues, contemplées et non déshabillées du regard. De jeunes Haïtiens vendent leurs faveurs, leur attention. Ils ne posent pas de question à ces femmes qui ont l'âge de leurs mères, ils ne les jugent pas; quant à elles, elles les chérissent sans tenter de découvrir véritablement qui ils sont ou ce qu'ils vivent vraiment. Leurs relations mutuelles usent des mots de l'amour, en ont les apparences, mais... Aussi, lorsque la réalité, tragique, fait irruption, les masques tombent et la solitude reprend une place qu'elle n'avait au fond jamais quittée. L'origine, la situation sociale, l'âge, tout rattrape ces femmes blanches, nord-américaines, rivales ou complices, interprétées avec grandes pudeur et sensibilité par trois magnifiques actrices. Au travers de leur portrait doux et amer, Laurent Cantet aborde un sujet délicat, qui mêle l'extrême solitude de femmes sans compagnon au thème de la prostitution masculine. L'inverse est connu, cette réalité-là beaucoup moins, mais elle existe: des êtres en vivent, en souffrent.
Serge Molla