Critique
"Depuis la chute de l'empire soviétique, le Kirghizistan a gagné son indépendance, mais la paie cher. La réorganisation de l'Etat ne va pas de soi, l'argent manque, les infrastructures aussi. Le cinéma a perdu tout soutien et la sortie d'un film comme SARATAN est à soutenir. Cela d'autant plus que ce premier long métrage de fiction du réalisateur kirghiz Ernest Abdyjaparov est une fable attachante, modelée dans le burlesque et qui éclaire l'une de ces régions du monde trop souvent oubliée par l'Occident.
Peu importe le nom de ce village kirghiz, fondu dans un magnifique paysage de montagne. Ses habitants n'ont pas d'argent et se débrouillent au jour le jour. Quand ils ont un problème, ils vont chez le maire. Quand ils ont faim, ils volent des moutons. Quand ils ont le cafard, ils boivent. Quand ils ont besoin de tendresse, ils vont chez la femme du voisin. Et quand leur dieu ne les écoute pas, ils s'en cherchent un autre. L'air de rien, le maire a pourtant un projet pour ses administrés. Avec un peu de chance, il les incitera à s'organiser pour connaître des jours meilleurs.
SARATAN montre le vide laissé par un régime autocratique et centralisé. Ce régime disparu, la population est déstructurée, perdue, abandonnée à elle-même. Sa misère est aggravée par l'absence de courage quand il s'agit d'empoigner son destin. ""Sans doute, seuls l'humour et l'autodérision permettent-ils de comprendre et d'appréhender toute la force des images tristes qu'offre la vie quotidienne. Cet humour découle directement de l'absurdité de la situation"", explique le réalisateur qui observe ses personnages avec beaucoup de tendresse. Tristesse, oui. Humour, certes. Mais espoir surtout. Aide-toi et le Ciel t'aidera, dit le proverbe. C'est sur ce ton que s'achève cette histoire, en laissant la porte ouverte sur le futur."
Geneviève Praplan