Munich

Affiche Munich
Réalisé par Steven Spielberg
Pays de production U.S.A.
Année 2005
Durée
Musique John Williams
Genre Drame, Historique
Distributeur United International Pictures (UIP)
Acteurs Daniel Craig, Ciarán Hinds, Mathieu Kassovitz, Eric Bana, Hanns Zischler
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 517
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Précédé par les grandes orgues de la publicité, avec un petit trémolo de polémique, voici enfin sur nos écrans le dernier film de Spielberg. Hélas, la baudruche se dégonfle rapidement et la polémique ne résiste pas longtemps à l'analyse. Il doit y avoir quelque part un malentendu.

Dans la nuit du 5 septembre 1972, un commando palestinien - Opération ""Septembre Noir"" - pénètre dans le village olympique, force l'entrée du pavillon israélien et provoque la mort de 11 athlètes. En pleine fête des Jeux Olympiques, le monde découvre avec horreur le nouveau visage du terrorisme.

Ce fait dramatique ne représente qu'une infime partie du film, quelques minutes de reconstitution. En réalité, MUNICH raconte la suite. Le gouvernement israélien met sur pied une vaste opération de représailles qui doit venger les 11 victimes en exécutant le meurtre des 11 responsables de l'attentat de Munich, disséminés dans le monde.

Spielberg, lui-même d'origine juive, prétend avoir conçu ce film comme une prière pour la paix. Il assure le CIO de n'avoir pas rendu un hommage officiel aux victimes. ""Le silence dont les entoure le CIO est, tous les quatre ans, plus assourdissant pour moi"", déclare-t-il. L'Organisation olympique s'étonne de ces accusations et rappelle les nombreux hommages rendus aux athlètes assassinés. Voilà pour la polémique qui nous paraît d'autant plus futile qu'on cherche en vain dans ce film un hommage aux victimes, apparues furtivement dans la confusion de l'introduction et dont on ne sait rien.

Ce sont d'autres questions que pose ce long - très long - métrage. D'abord celle de la vengeance et ensuite celle de l'opportunité de remuer ce passé au moment où chacun souhaite un apaisement dans la poudrière proche-orientale. On peut aussi s'étonner du fait que le mauvais rôle dans cette traque meurtrière - Opération ""Colère de Dieu"" - échoit à ce commando juif. Ces hommes, tels des moines, ont accepté de renoncer du jour au lendemain à leur identité, de se couper de leur pays et de leurs familles, de vivre dans l'ombre et de courir le risque d'être victimes de leurs cibles.

Ainsi MUNICH ressemble à un thriller américain. Les onze exécutions font l'objet d'un scénario différent. Ces hommes vont-ils réussir à retrouver leurs victimes disséminées dans le monde, à Paris, Athènes, Budapest, en Italie ou en Espagne et ailleurs? Comment vont-ils procéder? Où est la réalité qui fit l'objet de recherches et où est la fiction romanesque? On ne le sait jamais. C'est une faiblesse de cette œuvre. Les personnages sont attachants et nous sont révélés dans leurs côtés humains, avec parfois un brin de sentimentalité.

Finalement on peut reprocher à Spielberg et aux scénaristes d'avoir abordé un sujet vaste et délicat avec une certaine superficialité et avec l'armement lourd d'une production à grand spectacle. Avec aussi les ficelles d'une certaine complaisance dans la violence. Le réalisateur de E.T., de LA LISTE DE SCHINDLER et d'autres succès a su faire mieux, bien que jamais dans la dentelle.

Maurice Terrail





Un autre avis



Steven Spielberg ne fait pas l'unanimité avec son dernier long métrage consacré aux conséquences de l'attentat perpétré par l'organisation palestinienne ""Septembre noir"" aux Jeux olympiques de 1972 à Munich. Certains doutent de l'objectivité de sa présentation des faits munichois et surtout des représailles - l'ancien ambassadeur d'Israël en France préfère parler aujourd'hui d'acte de justice! - qui ont suivi. En effet, au lendemain du drame, Golda Meir, premier ministre israélien, confie à un commando du Mossad l'implacable mission de traquer et d'exécuter tous les responsables palestiniens de cet attentat qui s'est soldé par la mort de neuf athlètes et de cinq ravisseurs. Mais plutôt que de me laisser piéger par toutes les questions du genre ""les faits se sont-ils vraiment déroulés ainsi?"" je préfère m'interroger sur les effets de cette horreur qui a définitivement déniaisé les Jeux olympiques face au politique et révélé au monde la question palestinienne tout en attestant du pouvoir médiatique manipulable à l'envi.

Deux répliques du film retiennent l'attention: ""Oublions la paix, nous devons montrer que nous sommes forts"" et ""Tant que nous n'agissons pas comme eux, nous ne les vaincrons pas"". Véridiques ou non, peu importe, le sens de ces répliques est clair. Il en va du terrorisme comme de l'extinction d'un puits de pétrole en feu, cela requiert une explosion bien cadrée. Il n'y aurait donc que la violence (ciblée) pour enrayer la spirale meurtrière. Il s'agirait d'emprunter les méthodes de l'autre pour le vaincre et l'assujettir définitivement. Mais Spielberg récuse une telle logique, il s'interroge, comme en témoigne le dernier plan du film montrant les deux tours du World Trade Center qui se profilent à l'horizon.

Dès lors, le film soulève toute une série de questions sur le cercle infernal de la violence et sur ses implications au cœur de l'homme. Questions d'autant plus intéressantes au moment où le Hamas vient pour la première fois de remporter les élections en Palestine et que l'état de santé d'Ariel Sharon semble l'écarter irrémédiablement du pouvoir.

A qui finit par ressembler celui qui imite son ennemi? Qui change de visage lorsque l'ennemi laisse transparaître pour ne pas dire trahit, son humanité, et que soi-même l'on emprunte les traits d'un tueur? Quelle couche de mon être intérieur se voit atteinte lorsque vacille le bien-fondé de mon acte? Quelle strate de mon existence se voit touchée lorsque la colère m'aveugle au point que je parle de lui comme d'un objet à (mal)traiter, voire à éliminer?

C'est sur le visage de l'acteur Eric Bana (qui incarne le chef du commando vengeur dans MUNICH) que se lit une réponse. Ses traits se transforment progressivement, au point que visiblement il perd peu à peu la face, c'est-à-dire qu'il se perd lui-même. Autant dire que si la vengeance s'offrait comme solution et n'avait pour prix que quelque argent, ce serait parfait. Seulement, si au niveau individuel ou collectif elle conduit un Etat, un groupe ou un individu, à perdre la face, c'est peut-être que la vengeance, quel que soit son apparent bien-fondé, revient à vendre son âme au diable!

Serge Molla"

Ancien membre