Critique
Il y a huit ans, avec LA VITA E BELLA (primé à Cannes), Roberto Benigni avait réussi à trouver le ton juste et à faire rire - à émouvoir aussi - en parlant des camps de concentration nazis. Cinq ans plus tard, ce fut le couac de PINOCCHIO, conte de fées raté où le comédien passait son temps à gambader, grimacer et jacasser. C'est donc avec intérêt, mais aussi avec une certaine inquiétude qu'on attendait son nouveau film.
Le résultat est en demi-teinte. Avec LE TIGRE ET LA NEIGE, le comédien-scénariste-réalisateur italien retrouve ses marques dans une intrigue un peu plus riche cette fois-ci, une histoire qui lui permet de distribuer quelques (légers) coups de patte à l'establishment et, sous couvert de comédie, d'effleurer quelques sujets plus sérieux. Mais sans aller beaucoup plus loin.
Le film se veut à la fois fable poétique et onirique. Au spectateur de s'y retrouver, mais il ne faudra pas exiger trop de vraisemblance. On pourra se laisser entraîner sur les pas d'Attilio de Giovanni (Roberto Benigni), professeur excentrique et poète à ses heures (il vient de publier un recueil, Le Tigre et la Neige). Tombé sous le charme de la belle Vittoria (Nicoletta Braschi, Mme Benigni à la ville), il ira jusqu'à Bagdad, au milieu des bombardements, pour lui porter secours. On croisera en route d'autres personnages: un poète italo-irakien, Fuad (Jean Reno, très peu crédible), un avocat romain, Scuotilancia, qui harcèle jour et nuit Attilio sur son telefonino, ainsi qu'un médecin irakien, quelques collaborateurs de la Croix-Rouge italienne et plusieurs soldats américains. L'épilogue, on le devine, sera heureux.
Benigni garde toujours cette fâcheuse habitude de tirer toute la couverture à lui. Il remplit à lui seul toutes les premières séquences, on nage en plein dans le genre burlesque et bavard. La logorrhée bénignienne est là, assourdissante, et le récit piétine. Par la suite, le film trouve mieux son rythme (même s'il aurait pu être raccourci d'un bon quart d'heure) et le personnage d'Attilio gagne en humanité, mais c'est bien tard. LE TIGRE ET LA NEIGE, vers la fin seulement et de manière furtive, se révèle porteur de quelques touches de poésie et d'émotion. Attilio, c'est vrai, semble avoir compris que l'amour passe aussi par le regard et le silence.
Antoine Rochat