Critique
Téhéran. Elles arrivent, les unes après les autres, près du lourd portail métallique encore clos. Elles sont des dizaines, des centaines même, à se présenter à cet examen qui leur donnera l'accès à des études supérieures. Certaines encore toutes jeunes, accompagnées de leurs parents, ou seulement leur mère. D'autres déjà plus émancipées, venues avec leurs copines. D'autres plus âgées. L'une d'elles est même venue avec son bébé, en attendant que son mari, qui travaille de nuit, vienne le récupérer. La porte s'ouvre, les surveillantes contrôlent les identités, chacune pénètre dans la cours du centre d'examen.
Peur des unes, discussions amoureuses d'autres, cigarettes cachées sous les tchadors et fumées en cachette, débats, espoirs, inquiétudes sur leur avenir, sur ce que leur réussite à cet examen pourra changer dans leur vie. Un oiseau blessé, le bébé, calment l'angoisse de l'attente. Une mère est entrée, à l'amour possessif, étouffant. Au-dehors, des parents qui croient au changement, des godelureaux qui roulent des mécaniques, un mari furieux qui prétend interdire à sa jeune épouse de passer l'examen. La cloche sonne. Les candidates quittent la cour. La jeune femme au bébé est ressortie et attend. Le portail s'est refermé: elle part... Peu après, on entend une voiture qui s'arrête, puis redémarre...
Sous les tchadors, une révolution? C'est ce qu'évoque dans divers écrits - non sans plaisir - l'anthropologue Fariba Adelkhah.
C'est ce que montre - non sans jubilation - Nasser Refaie, dans ce témoignage le plus formidable qui soit sur ce combat aussi calme et déterminé qu'irrésistible des jeunes femmes iraniennes contre l'obscurantisme, pour l'égalité: l'accès aux études en est, bien entendu, la plus essentielle des clés. Déjà 40% des étudiants iraniens sont des étudiantes. Les comédiennes de Nasser Refaie sont toutes des non-professionnelles: chacune est épatante de vie et de naturel. Le jury du Festival de Nantes, en 2002, eut la belle idée de leur accorder à toutes son Prix d'interprétation. A l'évidence, pour chacune aussi, il ne s'agissait pas seulement de cinéma. Et pourtant, c'en est du cinéma, et du grand. Nasser Refaie, dont c'est le premier long métrage, n'est pas qu'un décrypteur de la réalité socio-politique de son pays. Il n'y a rien de plus difficile que de maîtriser en permanence le mouvement de dizaines de personnages tous principaux; sa direction d'actrices (et d'acteurs aussi) et sa mise en scène, à la fois simple et brillante, sont d'une impressionnante maîtrise.
L'EXAMEN fut également primé au Festival de Fajr (Téhéran): en ce temps où la tyrannie des mollahs tente d'endiguer la vie, quand les Iraniens pourront-ils, comme nous, le voir?
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