Face cachée de la Lune (La)

Affiche Face cachée de la Lune (La)
Réalisé par Robert Lepage
Pays de production Canada
Année 2004
Genre Drame
Acteurs Robert Lepage, Marco Poulin, Raphaël Dury, Céline Bonnier, Richard Fréchette
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 508

Critique

Avec LA FACE CACHEE DE LA LUNE, Robert Lepage, auteur, acteur et réalisateur canadien très connu dans son pays, nous livre un film étrange, tout imprégné d'humour, et qui exerce une certaine fascination.

En 1959 les Russes ont eu l'idée d'envoyer une sonde photographier la face cachée de la Lune, celle qu'on ne voit jamais de la Terre. Les images rapportées ont permis de découvrir un relief lunaire défiguré, comme battu et blessé par les impacts d'innombrables météorites et débris célestes.

Tout être humain possède aussi sa face cachée. En particulier Philippe, la quarantaine, très intéressé par l'astronautique (il prépare une thèse) et rêvant à un autre monde. Sa mère vient de mourir, il se sent seul, et ce n'est pas son frère cadet André qui va l'aider. Présentateur météo à la TV, André roule en effet pour lui tout seul, il ne va pas gaspiller son temps avec un frère aîné qu'il a toujours considéré comme un original. La disparition de leur mère va pourtant les obliger à se rapprocher. Difficilement d'abord, car il s'agit de faire le point et de laisser apparaître au grand jour, partiellement en tout cas, cette face cachée que l'on dissimule volontiers aux autres, sinon à soi-même.

Auteur de la pièce de théâtre éponyme, acteur et réalisateur (il en est à son cinquième film), Robert Lepage assume avec beaucoup de talent le double rôle des deux frères: le premier qui scrute la Terre, les planètes et les étoiles; le second qui examine le ciel pour essayer de prévoir la météo et le temps qu'il va faire. Chacun d'eux cherche un sens à sa propre existence, et sa place dans l'univers.

LA FACE CACHEE DE LA LUNE (Prix de la Critique à Berlin en 2004) est un film surprenant, parfois très tendu. Sur fond de course à l'espace américano-russe, Philippe et André vont s'affronter violemment, puis partir à la recherche des images de leur passé, des souvenirs à demi disparus qu'il s'agit de ramener à la surface de la conscience. Philippe, on le sent, s'est peu à peu isolé. Il vit actuellement de petits jobs, et travaille dans la vente par téléphone. Maladroit, il accumule les erreurs et se met tout le monde à dos. Mais plein d'humour vis-à-vis de lui-même, il se révélera vite attachant.

Léger au départ, le film deviendra de plus en plus subtil. La mort de la mère déclenche ce long processus de réconciliation, qui passe par une revisitation nostalgique de l'adolescence. Les scènes sont lentes, mais prennent corps et se répondent les unes aux autres. On parle peut-être beaucoup, mais les textes, bien écrits, rythment le récit. Dès lors l'importance du dialogue s'affirme, les faces cachées des êtres apparaissent. Le spectateur se laisse peu à peu séduire par ce qui, au départ, ne semblait être que l'histoire d'un farfelu, mais qui devient, par la grâce des mots, des gestes et d'un jeu tout en nuances, une réflexion mi-sereine, mi-enjouée sur l'existence.

Antoine Rochat