Héritage (L')

Affiche Héritage (L')
Réalisé par Per Fly
Pays de production U.S.A.
Année 2012
Durée
Musique James Newton Howard
Genre Espionnage, Action, Thriller
Distributeur Universal Pictures International France
Acteurs Rachel Weisz, Edward Norton, Scott Glenn, Jeremy Renner, Stacy Keach
N° cinéfeuilles 508
Bande annonce (Allociné)

Critique

"A travers une famille bourgeoise qui a forgé son pouvoir dans l'industrie depuis plusieurs générations, à travers l'ambiguïté de ses relations, ce film danois explore avec force la difficile question du choix.

Il y a quelque chose de FESTEN dans cette œuvre de Per Fly. La famille ""unie"", ses relations affichées et cachées, les conflits de loyauté alimentent un scénario riche et juste qui, c'est la différence avec le film de Thomas Winterberg, reste toujours sur le fil plutôt que de favoriser les grands déballages.

Christoffer mène une vie heureuse à Stockholm, entre une épouse comédienne qu'il aime profondément et ses restaurants dont la clientèle est assurée. Mais voici que son père meurt au moment où l'entreprise familiale va à vau-l'eau. La mère, principale actionnaire, rappelle son devoir filial à Christoffer: il doit revenir au Danemark, prendre la tête de l'aciérie pour la sauver avec ses neuf cents employés.

Ce pourrait être un fait divers. Mais racontée par Per Fly, l'histoire va bien au-delà. Elle explore de fond en comble les atermoiements des personnes soumises à la tyrannie du devoir et la façon dont leurs relations s'en trouvent affectées. Mais de quel devoir parle-t-on? Un fils doit-il obligatoirement suivre les traces de son père, et cela aux dépens de sa liberté? Quelle est la place d'une mère dans les choix de vie de ses enfants? Se doit-on plus à ses parents ou à son conjoint et si oui, comment le justifier?

Quand on a fait le tour des problèmes familiaux, se présentent alors ceux de l'industrie dans le monde particulièrement inhumain qu'elle traverse aujourd'hui. Comment, à quel prix assurer la survie d'une entreprise? Car cet enjeu-là compte aussi dans le film. Sauver une société c'est accepter de trancher dans les rangs, parmi des personnes que l'on connaît depuis son enfance, c'est en renvoyer cent pour en légitimer huit cents, c'est faire face à la déloyauté de ceux sur qui l'on comptait. C'est aussi renoncer à ses proches, à son autonomie, pour des livres de comptes. Et quand on a sacrifié sa propre vie et celle des siens, quand on est assez riche pour tout s'offrir, sauf l'amour de sa famille, que reste-t-il?

""J'ai voulu réaliser un film sur les choix que nous faisons, explique Per Fly, des choix qui peuvent avoir de graves conséquences, vouloir contre notre passion, opposer le devoir à la liberté, choisir entre ce que l'on veut faire et faire ce que l'on doit faire."" Et le réalisateur de citer la reine Ingrid du Danemark, ""il faut apprendre à vouloir faire ce que vous devez faire"".

Cette question difficile du choix est portée par le comédien Ulrich Thomsen qui incarne avec une formidable pudeur le drame existentiel vécu par Christoffer. Jusqu'à faire subir au public l'étouffement familial, la tyrannie maternelle, les ambitions démesurées. Il y a beaucoup d'argent dans cette tribu de la haute bourgeoise, il y a encore plus de misère tant le respect de chacun, l'écoute et l'incompréhension y sont peu pratiqués. Dans ces rôles délicats où les sentiments s'éprouvent durement, les acteurs sont formidables. Chacun donnant au plus juste, le plus souvent par le silence, l'image de la guerre ouverte entre vie réelle et exigences du pouvoir. Tandis qu'au cœur du pouvoir lui-même, l'humanisme ressurgit, s'impose encore, au moment de choisir entre la pérennité d'une affaire et le respect de ses employés. Per Fly a fait un choix lui aussi, ce n'est pas celui de la facilité.

Le réalisateur trempe son récit dans un monochrome gris bleu, ces teintes qui débouchent rarement sur la lumière. Ses éclairages sont très beaux et la caméra se consacre presque entièrement à rendre ces visages marqués par le questionnement, les désirs frustrés, la réelle souffrance. L'HERITAGE est un beau film. Campé au Danemark, il en dépasse les frontières tant ses problématiques sont celles du monde occidental tout entier."

Geneviève Praplan