Critique
"Dans LA NEBULEUSE DU CŒUR, Jacqueline Veuve définit très vite ses intentions. En 2001, dit-elle, la pose d'un pacemaker s'est imposée à elle de toute urgence. Hospitalisée pendant plusieurs mois, la cinéaste s'est mise à l'écoute de son cœur. Aujourd'hui elle en fait un film, en suivant les multiples pistes du ""cœur dans tous ses états"", sans oublier toutes les composantes affectives de la question.
Avec l'exploration de cette ""nébuleuse"", Jacqueline Veuve nous entraîne dans un voyage médical et sentimental, au pays des légendes et des mythes parfois, en croisant de temps à autre la cardiologie et son histoire. Un voyage aussi au pays des citations toutes faites (il y en a!), de la poésie, de la peinture, du sacré.
C'est bien sûr au domaine médical, à la question de la transplantation cardiaque et aux problèmes médicaux et psychologiques qu'elle pose, que la cinéaste s'est attachée de plus près. Partie à la recherche de plusieurs transplantés, elle les a questionnés, écoutés, et très vite la réflexion a dépassé le strict domaine de la chirurgie - plusieurs médecins et cardiologues du CHUV s'expriment, on pénètre dans les salles d'opération - pour aborder les questions du sens de l'existence, de ce moment de vie ainsi ""ajouté"", comme ""en plus"", et dont le bénéficiaire se sent toujours redevable à quelqu'un, un donneur qu'il ne connaît pas ou dont il ne sait que très peu de chose.
Jacqueline Veuve parle au spectateur de sa propre expérience, qu'elle met discrètement en scène. Tantôt journal intime, tantôt poème, le film ne se veut pas scientifique ou médical, ni objet de spectacle. C'est pourtant dès l'instant où il touche à la médecine - au sens large du terme - que l'intérêt surgit. Les témoignages de celles et ceux que la cinéaste a rencontrés sont alors très forts, émouvants, et dans leurs propos c'est la vie et le sens de l'existence qui apparaissent peu à peu en filigrane, révélant la sensibilité et le monde intérieur de chacun.
Le dernier film de Jacqueline Veuve est aussi une approche de la cinéaste elle-même: au travers d'une réflexion d'ordre personnel, plus que par le passé, elle est amenée à se dévoiler quelque peu. Mais LA NEBULEUSE DU CŒUR reste avant tout un document étonnant sur la médecine cardiaque en général et sur l'existence que mènent aujourd'hui plusieurs opérés du cœur. De toutes ces images, de toutes ces rencontres surgit alors, peu à peu, une forme de dialogue intime, d'une grande sensibilité, qui a une résonance profonde et qui déborde largement du contexte médical."
Antoine Rochat
