Locataires

Affiche Locataires
Réalisé par Kim Ki-duk
Pays de production Corée du Sud, Japon
Année 2004
Durée
Musique Slvian
Genre Romance, Drame
Distributeur Pretty Pictures
Acteurs Lee Seung-yeon, Jae Hee, Kwon Hyuk-ho, Mi-suk Lee, Ui-soo Lee
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 501
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Après PRINTEMPS, ETE, AUTOMNE, HIVER ET PRINTEMPS..., film de pure contemplation dans la grande tradition des films cycliques asiatiques, Kim Ki-duk, réalisateur coréen autodidacte, nous offre un film insolite, d'une grande beauté et selon une esthétique à laquelle il nous a habitués.

C'est l'histoire de Tae-suk, un squatter d'un genre particulier. Il arpente les rues à moto, déniche des maisons laissées vacantes par leurs propriétaires en voyage ou en vacances, y pénètre, s'y installe pour quelques jours. En contrepartie, il répare les appareils endommagés, arrose les plantes, fait la lessive. Un jour, dans une maison qu'il croit vide, se trouve une jeune femme, Sun-houa, maltraitée par son mari et qui se cache. Elle observe à son insu ce visiteur hors du commun. Dès qu'il l'aperçoit, il prend la fuite. Peu après il revient sur ses pas, entre dans la maison au moment où la femme se fait battre. Il la protège des coups et assène une leçon au mari irascible. Aimantée par Tae-suk, Sun-houa se décide à l'accompagner dans ses pérégrinations.

""Binjip"" signifie en coréen ""la maison vacante, libre"". Et le réalisateur souligne: ""Nous sommes tous des maisons vides attendant que quelqu'un vienne ouvrir la serrure et nous libérer."" Ces quelques mots traduisent bien la sensation poétique, étrange, presque irréelle qui se dégage du film.

Le beau jeune homme Tae-suk intrigue par sa façon d'être. En passant de maison en maison - qu'il occupe comme un fantôme ou comme un ange déchu, sans jamais rien voler, en se photographiant devant les tableaux ou photos des propriétaires -, il est une présence qui effleure de sa bonté les espaces vides, comme il va effleurer le cœur de Sun-houa. Elle l'a donc suivi. Aucune parole entre les deux personnages durant tout le film, juste des regards d'une incroyable profondeur, une vie en synchronie qui nous entraîne dans leur aventure au quotidien. De ce couple émane une sensation de légèreté, d'innocence, de liberté. Le scénario et la mise en scène sont d'une grande précision, humour inclus. Le style poétique et raffiné de Kim Ki-duk brouille la frontière entre le rêve et la réalité, ce qui rend l'œuvre polysémique, et pourquoi pas mystique. Nous le sentons, Kim Ki-duk attire notre regard au-delà de l'image, où miroite tout un univers souvent en rapport avec la société coréenne qu'il dénonce. Chaque spectateur peut y trouver d'autres résonances. L'une d'elle se trouve dans le silence des deux personnages.

Les seules paroles prononcées viennent de l'extérieur du couple, de ceux qui ne comprennent pas ce jeune, différent et désarmant, de ceux qui ne savent se faire entendre autrement que par la violence, voire la cruauté. Tae-suk sera arrêté, torturé, emprisonné, puis relâché, car... aucune plainte n'a été formulée par les propriétaires, bien au contraire. Sun-houa, dont le cœur est rempli par la présence de cet autre qui a permis à l'amour de circuler, pourra mener une vie pacifiée avec son mari.

Cet homme qui est venu frapper à la porte des humains, qui a guéri ceux qui l'accueillaient, qui tendait l'autre joue lorsqu'on le frappait, qui a été arrêté, battu comme un chien, défiguré, qui traversait les murs des maisons..., ça vous rappelle quelqu'un?

BINJIP a reçu le Lion d'argent et le Prix de la mise en scène au Festival de Venise 2004. Kim Ki-duk est un réalisateur capable de ""filmer l'invisible"", pourraitt-on dire, par allusion au titre de l'ouvrage de Pierre Prigent."

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