Critique
"PALINDROMES est un film qui va sans doute diviser la critique. Les uns parleront de scénario original, les autres d'une certaine vacuité de pensée.
L'héroïne s'appelle Aviva (les spécialistes auront reconnu là un ""palindrome"", puisqu'on peut lire ce nom de gauche à droite comme de droite à gauche). Aviva est encore une teenager de 12 ans, mais elle veut absolument que son rêve - devenir mère - devienne réalité. Ce sera le début de ses ennuis et d'une existence pour le moins chaotique. Le voyage se terminera, peu ou prou, là où il avait commencé.
PALINDROMES met le chroniqueur mal à l'aise. S'il tente d'évoquer quelques-uns des point forts du récit, il sera alors obligé de dévoiler le mécanisme subtil de la narration, privant le spectateur de l'effet de surprise, qui est ici un élément important. Et s'il essaie d'émettre quelques considérations plus générales sur cet exercice de style, le spectateur risque de rester sur sa faim, privé du support narratif nécessaire...
PALINDROMES, c'est d'abord un film touche-à-tout, une sorte de conte qui, en plusieurs chapitres distincts, parle de l'Amérique d'aujourd'hui, celle qui vit loin des villes, le long des grandes routes et des paysages anonymes. Un film qui parle un peu de tout, de la famille, des parents (ni trop bêtes, ni trop méchants), de l'adolescence, de la recherche de l'amour, et qui aborde rapidement quelques problèmes comme l'avortement, l'angélisme religieux, la justice, la pédophilie...
PALINDROMES, ce sont aussi les aventures d'Aviva, mal barrée dans la vie, fugueuse, recueillie, abandonnée, violée, mêlée à un meurtre. Cette vie, Todd Solondz la décrit sur le ton d'une comédie amère, souvent sordide, parfois pathétique aussi. D'un chapitre à l'autre l'héroïne - on le découvrira assez vite - sera interprétée par des comédiennes différentes (et même par un jeune comédien!), comme pour laisser entendre qu'Aviva est un personnage interchangeable, qu'il nous concerne tous, que chacun pourrait s'y reconnaître...
Ce qui gêne pourtant dans le dernier film de Todd Solondz, ce n'est pas tellement la forme (on se fait à cette modification constante du personnage) que la tonalité générale, empreinte d'un pessimisme foncier: rien ne peut nous changer, dit le cinéaste, rien ne viendra améliorer l'ordinaire, l'individu peut se lire de gauche à droite comme de droite à gauche: ""Quoi qu'il arrive, dit la mère d'Aviva à sa fille, tu seras toujours toi-même"".
Misanthropie aiguë? Scepticisme profond? Il n'y a ni bons ni méchants autour de soi, semble dire le réalisateur. On lui donnera peut-être quittance de cette remarque à l'heure où le cinéma américain a tendance à partager le monde en deux. Mais le message est un peu court et ce film singulier s'en irait plutôt - malgré son originalité narrative - en eau de boudin."
Antoine Rochat