Critique
"Tiré du roman de Pierre Péju, le film de Jean-Pierre Denis en emprunte le titre, l'anecdote ainsi que les personnages, mais s'éloigne du climat de désespoir pour mettre en scène un conte émouvant sur la solitude, sur les relations parent-enfant, père de substitution-petite fille abandonnée.
Etienne Vollard (Olivier Gourmet), libraire de livres anciens, lecteur boulimique, passionné de montagne, tourmenté par un passé obscur, mène une existence solitaire. Roulant avec sa camionnette un soir de novembre, il renverse accidentellement Eva, une petite fille qui traverse la chaussée au pas de course. Sa mère avait oublié d'aller la chercher à l'école! Heurtée de plein fouet par le véhicule, elle entre dans un coma profond. Pascale sa mère, aimante certes, mais incapable de s'occuper de sa fille, n'a pas le courage de la veiller. Le libraire, rongé par la culpabilité, prend sa place. Pour tenter de sortir Eva de la nuit et du silence dans lequel elle semble engloutie, il lui raconte Les enfants du froid de Jack London. Il s'investit réellement auprès de l'enfant, d'abord dans le coma puis dans l'autisme qui s'en-suivra.
Le réalisateur des BLESSURES ASSASSINES nous offre un film bouleversant. ""Il s'agit d'un conte moderne, contemporain, d'une variation poétique autour de la solitude, du silence et de la difficulté ou de l'impossibilité d'être"", dit-il. Etienne Vollard, la mine renfrognée, va trouver les mots et les rêveries dans la littérature pour parler à l'enfant. Il invente les gestes de tendresse dans son désarroi et l'amour dans les fêlures de son cœur caparaçonné pour tirer cette petite du côté de la vie. Il va ressentir une sorte d'énergie fulgurante, un besoin de don proche de la folie pour sauver cet être. Dans le site naturel de la Grande Chartreuse, Eva devient alors la Petite Chartreuse, silencieuse, pâle, l'enfant cloîtrée, l'enfant privée de voix.
A partir d'un fait grave, le scénario glisse vers l'imaginaire grâce à un travail tout en finesse sur les couleurs, les lumières et les sons soutenus par la musique de Michel Portal: des correspondances poétiques qui font sentir les états d'âme des personnages, les atmosphères étranges et qui donnent même à ""entendre"" le souffle de la vie. Par ailleurs l'interprétation des comédiens est convaincante, tout particulièrement celle du comédien belge Olivier Gourmet capable d'une étonnante variété d'expressions. LA PETITE CHARTREUSE est une très belle œuvre symbolique à faire fondre un cœur de glace..."
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