León y Olvido

Affiche León y Olvido
Réalisé par Xavier Bermúdez
Pays de production Espagne
Année 2004
Durée
Musique Coché Villanueva
Genre Drame
Distributeur Colifilms Diffusion
Acteurs Marta Larralde, Guillem Jimenez, Gary Piquer, Mighello Blanco, Jaime Vazquez
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 498
Bande annonce (Allociné)

Critique

"La trisomie n'est pas le sujet du film. Elle est le boulet existentiel de deux jumeaux, une sœur et son frère qui s'aiment, mais ne parviennent plus à vivre sereinement ensemble.

Ce troisième long métrage de Xavier Bermúdez a reçu plusieurs récompenses l'année dernière: Prix du public à Athènes, Meilleur réalisateur et Meilleur actrice à Karlovy Vary. Il aurait pu recevoir celui du meilleur acteur, dans un rôle délicat, Guillem Jimenez réussit une excellente prestation.

LEÓN Y OLVIDO traite d'un sujet difficile et dangereux, mais avec tant de simplicité et de naturel qu'il emporte l'adhésion. León (Guillem Jimenez) et Olvido (Marta Larralde) sont jumeaux, ils ont 21 ans. A la mort de leurs parents, Olvido a quitté ses études et cherché du travail pour gagner sa vie et celle de León qui est trisomique. Elle aime son frère plus que tout, mais ne supporte plus sa dépendance vis-à-vis d'elle. Sa relation amoureuse en souffre. Elle est condamnée à de petits boulots entrecoupés de périodes de chômage. Alors qu'elle voudrait simplement pouvoir vivre sa vie.

Le réalisateur se dit intéressé par la trisomie, il a réalisé un reportage pour la télévision sur ce sujet. Mais LEÓN Y OLVIDO n'est pas un film sur le syndrome de Down et son auteur ne tombe pas dans le piège de l'idéalisation, comme Jaco Van Dormael dans LE HUITIEME JOUR. Pas non plus dans celui du misérabilisme. C'est plutôt un film sur la fratrie. Il parle de deux jeunes gens liés par une profonde affection, mais perdus, dépassés par les difficultés qui pèsent sur leur vie, alors qu'ils sont à peine adultes. Le sentiment qui les lie ne fait qu'aggraver leur situation. Olvido est belle. León est troublé par une virilité dont il ne sait que faire. On le sent jaloux, tandis qu'elle joue avec le brin d'enfance qui lui reste. L'affection est parfois bien proche du sentiment amoureux. Leur vie se déroule au quotidien, hantée par le besoin d'être ensemble et le rejet de ce même besoin.

C'est le point de vue de León, trop protégé par sa mère pour oser, maintenant, se débrouiller seul. C'est le point de vue d'Olvido, dont l'avenir est détruit par la présence de son frère et qui lance des appels au secours dramatiques, sans que personne ne lui réponde. Par la faute de qui? Xavier Bermúdez se garde bien d'émettre un jugement. ""Les sentiments qu'éprouvent le frère et la sœur sont très intenses, chez l'un comme chez l'autre. Ce ne sont pas deux personnes qui se contentent de subir leur destin. Chacun à sa manière met tout en œuvre pour obtenir ce qu'il désire. Mais si nous devons utiliser le mot égoïsme, dans un sens technique, descriptif, et non pas moral, alors on constate qu'Olvido n'est en aucun cas plus égoïste que León.""

Le réalisateur espagnol a choisi des comédiens remarquables. Guillem Jimenez incarne León avec intelligence et sensibilité, il souhaite d'ailleurs devenir comédien. Sa compréhension du rôle est irréprochable. Quant à Marta Larralde, elle réussit le difficile pari de composer un personnage sympathique, malgré toute son ambivalence. Face à cette œuvre où le pire et le meilleur se frôlent constamment, il n'y a pas de place pour le manichéisme. Les solutions extrêmes, plusieurs fois envisagées, ne sont pas révoltantes. On le ressent plutôt comme l'aboutissement tragique, mais inévitable, de deux existences en forme d'impasse.

Xavier Bermúdez donne le climat de ces deux existences, les pimente d'humour et de tendresse, en cerne avec beaucoup de talent l'inextricable réalité. Sobre, juste, humble, ce film est l'histoire de deux vies sans futur, dont les différents épisodes tournent et retournent désespérément, en boucle."

Geneviève Praplan