Maria pleine de grâce

Affiche Maria pleine de grâce
Réalisé par Joshua Marston
Pays de production Colombie, U.S.A.
Année 2004
Durée
Musique Jacobo Lieberman, Leonardo Heiblum
Genre Drame
Distributeur ARP Sélection
Acteurs Catalina Sandino Moreno, Yenny Paola Vega, Wilson Guerrero, Johanna Andrea Mora, John Álex Toro
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 493
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Intelligent, émouvant, ce premier film transforme une fiction en documentaire par la justesse de son propos. Catalina Sandino Moreno y fait une composition remarquable.

""Ce n'est pas une histoire vraie. Mais c'est une histoire qui arrive tous les jours"", dit en exergue le dossier de presse. Justement, ce n'est pas une histoire vraie, mais elle convainc de la même manière. La dramatique aventure de Maria est celle d'un nombre important de jeunes, hommes et femmes, acculés par le besoin d'argent. La Colombie est aujourd'hui le premier producteur de coca et de pavot. Le marché y représente 50 milliards de dollars par année. Environ 2,5 milliards de cette somme reviennent au pays, dont 500 millions sont répartis aux 400'000 petits paysans producteurs qui gagnent ainsi 1'250 dollars par année.

Les personnes qui dépendent de l'économie de la drogue dans ce pays sont estimées à 1 million. Maria (Catalina Sandino Moreno), 17 ans, est de celles-là. Elle a quitté son travail à l'entreprise de conditionnement de roses et se retrouve sans ressource, alors qu'elle est enceinte, avec sa mère, sa grand-mère et sa sœur à sa charge. La solution, c'est le trafic de drogue. Maria devient une ""mule"". C'est simple, elle avale les boulettes de cocaïne, une soixantaine, et prend un vol pour New York. Le temps qu'elle digère son chargement, et elle pourra rentrer chez elle avec un joli pécule. Le danger est double: la prison si la police l'arrête, la mort si une boulette saute dans son estomac.

Joshua Marston n'a pas filmé cette histoire au hasard. Soigneusement documenté, il a pu poser les repères d'un scénario solide, écrit avec l'empathie de celui qui sait écouter les expériences des autres. Né en Californie, il a étudié les sciences sociales, puis les sciences politiques et la réalisation. MARIA PLEINE DE GRÂCE est son premier film, habité par la richesse de sa formation et le regard probablement inné qu'il porte autour de lui. Le film a été tourné en Equateur et aux Etats-Unis parce que la Colombie était trop sensible pour le tournage. Mais il y a passé plusieurs semaines est s'est imbibé du climat.

Toutes les chances mises de son côté, avec des actrices aussi étonnantes que non professionnelles, Joshua Marston s'est lancé dans l'aventure. Mise en scène réaliste, sans emphase, images sobres, dialogues parcimonieux, le réalisateur montre avec efficacité, sans prosélytisme. Il raconte l'histoire de Maria, éclaire sa jeune personnalité encore indécise, son courage, sa détermination. Le drame qu'elle vit va la mûrir. Mais tout ce qu'elle devient est déjà contenu, en germe, dans l'ouvrière de la manufacture de roses. C'est la cohérence de son personnage qui laisse croire que l'histoire est réelle, que Maria vit sa propre expérience, sous l'œil d'une caméra voyeuse.

A travers Maria, mais presque en filigrane, se dessine l'autre grave problème de la Colombie - et de tant d'autres pays. C'est l'émigration. Si l'on ne peut vivre chez soi, allons chercher du travail ailleurs. Les Etats-Unis sont proches à vol d'oiseau, ils sont gonflés de promesses. A New York, c'est Carla (Patricia Rae), sœur d'une amie de Maria, qui rappelle les conditions. S'ennuyer de sa famille, de ses traditions, de son pays enfin? Oui, à cause de son enfant. Lui trouvera ici une chance qu'il n'aurait jamais dans son pays d'origine.

Belle histoire que celle de Maria, tout en délicatesse, tout en intériorité. Les visages disent ce que les paroles taisent et les drames quotidiens, petits et grands, ressemblent tous à des témoignages. C'est un film vérité que les meilleurs reportages auront du mal à dépasser. Il a été primé à Sundance, à Berlin, à Deauville. C'est bien la moindre des choses."

Geneviève Praplan