Critique
Pierre et Géraldine ne peuvent pas avoir d'enfant. Le désir d'une adoption va entraîner le jeune couple au cœur d'un voyage initiatique au bout du monde, dans un pays martyrisé par l'Histoire, le Cambodge. Commence alors pour eux une aventure éprouvante et fascinante: ronde des orphelinats, confrontation avec les autorités françaises et cambodgiennes, examens médicaux, menaces de trafics, omniprésence des bakchichs. Sans oublier la méfiance et la jalousie, mais aussi l'entraide d'autres futurs adoptants réunis par le hasard. A travers cette quête, c'est aussi un couple qui se déchire et se rapproche, qui vit l'angoisse de l'échec du retour sans enfant, mais qui persévère et en sort à jamais transformé.
Une fois encore, l'originalité des scénarios fait honneur au réalisateur qui, de plus, n'a pas craint de procéder au tournage de son film dans un des pays les plus misérables de l'Asie. Paradoxalement, la richesse de ce scénario me paraît nuire à l'impression générale que dégage cette œuvre. A vouloir traiter du problème du couple face à l'adoption, du thème de l'extrême dénuement du Cambodge et, son corollaire, des méfaits de la corruption ambiante, Bertrand Tavernier perd quelque peu la maîtrise de son film qui s'égare dans plusieurs directions. Le meilleur de cette œuvre se situe dans la description de la vie quotidienne à Phnom Penh, cette capitale oubliée. Comme si la misère et la mousson n'avaient aucune prise sur ses habitants, c'est un sentiment de bonheur de vivre qui ressort de leurs propos et de leurs visages, la scène furtive nous montrant des enfants jouant au foot sous une pluie diluvienne en est une éclatante illustration.
Georges Blanc