Critique
"Alger, superbe, mais déliquescente, ne se remet pas de ses années de terreur. Goucem (Lubna Azabal) et sa mère (Biyouna) sont venues s'installer dans le centre de la ville. Goucem gagne le pain des deux, et s'organise des week-ends délurés. Elle aime un homme marié qui ne se décide pas à quitter sa compagne. La mère de Goucem vit dans ses souvenirs de danseuse et accepte mal son veuvage. Les deux résistent, chacune à sa manière, à la violence qui noie le pays.
Nadir Moknèche est l'auteur d'un premier long métrage, LE HAREM DE Mme OSMANE. Il vivait à Londres, est rentré en Algérie en 1989. ""Il y avait cette explosion de liberté tous azimuts, et en face, un mouvement islamiste très puissant. Deux projets de société diamétralement opposés ne pouvaient cohabiter."" Le réalisateur algérien montre ces deux mondes. Il montre la prostitution, la délinquance, le chômage, le besoin d'amour, les regrets, la peur.
Certes, la mise en scène est brouillonne et le récit, hésitant, se dilue. Mais le spectateur est capté par la lecture en filigrane, la misère de cette ville immense et grouillante, les labyrinthes de ruelles où la vie ne pèse rien. ""Laldjérie"" est un mélange du nom arabe El Djazaïr et de sa traduction française Algérie, nouveau terme entré dans le langage local. Preuve que la force culturelle du pays est toujours présente. Pourtant, raconte Nadir Moknèche, ""les Algériens vivent dans un pays en échec constant. On se débrouille au jour le jour, de combines et de superstitions. Chacun essaie de se sauver soi-même."" C'est ce qui apparaît peu à peu, au fil des plans. Un peu trop lentement sans doute. Mais le film se bonifie en avançant, pour finalement ouvrir une perspective inquiétante: quel avenir pour ce pays immense qui rouille de partout, comme une épave?"
Geneviève Praplan