10e chambre - Instants d'audience

Affiche 10e chambre - Instants d'audience
Réalisé par Raymond Depardon
Pays de production France
Année 2003
Durée
Genre Documentaire
Distributeur agorafilms
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 486
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Encore un documentaire qui fera mouche! Son auteur manifeste une fois de plus la générosité de son écoute et de son regard.

Raymond Depardon est d'abord photographe. En 1967, il fonde l'agence Gamma avec trois de ses confrères, première agence de photographes indépendants. Témoin du temps et des lieux qu'il traverse, il signe des reportages et des documentaires remarquables, comme SAN CLEMENTE, travail de photos sur les instituts psychiatriques en Italie, réalisé en 1982. En 1995, il filme la 8e section du Palais de Justice de Paris dans DELITS FLAGRANTS qui lui vaut le César du meilleur documentaire. Cette œuvre ouvre la porte au tournage dont on voit aujourd'hui le résultat.

Raymond Depardon suit le déroulement des audiences de la 10e Chambre du Tribunal correctionnel de Paris. Les personnes entendues ont donné l'autorisation écrite d'être filmées. Les noms et les adresses ont été modifiés, le film n'est sorti qu'après que les jugements définitifs ont été prononcés. ""Le respect des personnes a consisté à bien les filmer et bien les écouter. Elles ont eu le courage de montrer, comme un exemple, leur honte intime, même si souvent on ne perçoit que leur colère contre l'injustice de leur vie.""

Les affaires jugées sont de petits délits, conduite en état d'ivresse, port d'armes sans permis, violence conjugale, insulte à agents de police... Douze histoires se succèdent, qui ouvrent le champ vertigineux de la détresse humaine. Elles se suivent à un rythme tendu. Certaines ont lieu à deux heures du matin, il faut faire baisser les piles de dossiers en attente. ""C'est le travail rapide et quotidien de la justice"", explique Raymond Depardon. Il y a là une population de semi marginaux, réfugiés, sans-papiers, artistes, personnes au psychisme mouvant. Ils entrent dans la routine d'une justice qui a trop à faire pour décortiquer leurs cas. Ont-ils de quoi s'offrir un avocat? Ceux qui apparaissent ont peut-être été commis d'office, ils ne sont guère brillants. ""Le peu de temps consacré à ces petits drames révèle une fracture sociale entre deux mondes et les échanges sont souvent pauvres, fatalistes et pathétiques"", dit encore l'auteur.

Pourtant, la juge fait preuve d'une infatigable aptitude au dialogue. Ses interventions sont claires. Elle mesure son temps de parole, canalise son sujet, y ramène constamment ses interlocuteurs. Sa place est celle d'une femme qui écoute avec une force psychologique remarquable, mais sans état d'âme. D'elle, on comprend la difficulté du travail, la patience, la fatigue. Des prévenus, on retient le malaise, le rejet de la culpabilité, bref, une misère qui ressemble à celle de chacun, lorsqu'il est pris en faute. Mais le sentiment d'impasse domine devant ces personnes qui tournent en rond, elles n'ont pas d'avenir.

Travail magnifique de Raymond Depardon! Il y a ces plans serrés sur les visages, en légère contre-plongée pour ne pas les écraser. Et puis il y a le choix des images et le montage. Car les moments sont sélectionnés pour composer une histoire sobrement révélatrice. On ne se lasse pas de voir défiler ces audiences, vivantes, humaines, drôles même. Et de s'interroger: loin de la fiction, ces drames ordinaires rappellent leur réalité comme produit quotidien de la société, alors qu'on les oublie en permanence."

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 18
Anne-Béatrice Schwab 18