Moolaadé

Affiche Moolaadé
Réalisé par Ousmane Sembène
Pays de production Sénégal, Tunisie, Maroc, France, Burkina Faso, Cameroun
Année 2002
Durée
Musique Boncana Maïga
Genre Drame
Distributeur Les Films du Paradoxe
Acteurs Maïmouna Hélène Diarra, Fatoumata Coulibaly, Salimata Traoré, Aminata Dao, Dominique T. Zeida
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 482
Bande annonce (Allociné)

Critique

"A plus de 80 ans, l'écrivain et réalisateur sénégalais Ousmane Sembène reste le cinéaste engagé que l'on sait. Aujourd'hui c'est le problème de l'excision, pratiquée dans la majorité des Etats membres de l'Union africaine, qu'il évoque sans détour. Privilégiant l'utile à l'artistique - comme il aime à le dire - et désireux d'éveiller les consciences, il transmet son message à travers l'histoire d'une A plus de 80 ans, l'écrivain et réalisateur sénégalais Ousmane Sembène reste le cinéaste engagé que l'on sait. Aujourd'hui c'est le problème de l'excision, pratiquée dans la majorité des Etats membres de l'Union africaine, qu'il évoque sans détour. Privilégiant l'utile à l'artistique - comme il aime à le dire - et désireux d'éveiller les consciences, il transmet son message à travers l'histoire d'une mère qui refuse la ""purification"" de quatre jeunes filles. Elle essuiera la réprobation de ses proches, les coups de fouet sur la place du village, mais elle parviendra à changer peu à peu les mentalités. MOOLAADE est ainsi un film didactique et militant, qui s'adresse en priorité bien sûr aux exciseuses africaines, mais par son humanisme et sa défense de la liberté féminine, vise aussi un plus large public. MOOLAADE, c'est aussi une image de l'Afrique qui lutte, qui se sent responsable de sa destinée et qui n'attend pas nécessairement une aide venue d'ailleurs. ""C'est à nous de résoudre nos problèmes et de faire changer les mentalités"", ajoute Ousmane Sembène.



Antoine Rochat





Prix de la section ""Un certain regard"" du Festival de Cannes 2004 (voir note d'Antoine Rochat, CF n. 482/3), l'œuvre engagée d'un cinéaste alors déjà plus qu'octogénaire sort tout prochainement sur nos écrans. L'auteur, écrivain et réalisateur prolixe, a d'ailleurs déclaré: ""En Afrique, on ne fait pas de cinéma pour vivre mais pour communiquer. Pour militer.""

Un village burkinabé peu touché par la modernité: mis à part une pompe à eau mécanique et des radios portatives à piles, la vie rurale se déroule comme il y a peut-être des siècles. Les hommes labourent, les femmes récoltent et pilent le grain, ramassent le bois pour le feu, élèvent les enfants. Collé Ardo (Fatoumata Coulibaly) a refusé voilà quelques années que sa fille soit excisée. On apprend que six fillettes fuient ce rite barbare appelé la Salindé; deux d'entre elles se précipitent dans un puits, les quatre autres cherchent refuge auprès de la jeune femme, qui applique en leur faveur le Moolaadé, autrement dit le droit d'asile.

L'arrivée d'un marchand ambulant surnommé le mercenaire apporte un peu d'animation: les villageois viennent lui acheter du pain, des ustensiles ménagers, des piles pour garder le contact avec l'extérieur grâce à leurs radios. Amsatou (Salimata Traoré), fille de Collé Ardo, attend le retour de France, fortune faite, de celui à qui on l'a fiancée; sa mère et son futur beau-père font une belle ardoise au nom du promis...

Surviennent les exciseuses à la recherche des fillettes en cavale. La tension monte, augmente avec le retour du fiancé; partisans de la tradition et opposantes à l'excision s'affrontent durement; les femmes se dressent courageusement contre les hommes machistes et jaloux de leurs privilèges. Le mercenaire s'insurge contre les mariages arrangés, les qualifiant de pédophilie vu l'âge tendre des futures épouses.

Il faut entrer dans ce film au rythme lent, à la narration linéaire, dont les acteurs jouent avec naturel et conviction. On découvre le poids de coutumes freinant le progrès (le mercenaire ne s'écrie-t-il pas à un certain moment ""Sale Afrique""?) On comprend, sans pour autant l'admettre, que l'excision, rite de passage fournissant l'occasion d'une fête fastueuse, célèbre l'aptitude de la jeune fille ayant surmonté la douleur à surmonter les vicissitudes de l'existence.

Certains regrettent le dernier plan montrant le minaret de l'humble mosquée villageoise surmonté non plus du traditionnel œuf d'autruche symbole de vie, mais d'une antenne de télévision. Pour nous autres submergés par les inepties de la télé-réalité, les étranges lucarnes sont plutôt symbole de décervelage; dans les campagnes africaines où on ne lit ni Le Monde ni Libé, radio et télévision peuvent être des vecteurs importants - négativement dans le cas de la station des Mille Collines au Rwanda, plus positivement dans d'autres.



Daniel Grivel"

Ancien membre