Critique
Zano, un jeune Pied-Noir, propose un jour à son amie Naïma de traverser la France et de rejoindre Alger, la ville que leurs parents ont dû fuir autrefois. Avec la musique pour seul bagage, ils se lancent sur les routes, se laissant un instant griser par le soleil de Séville avant de franchir la Méditerranée. D'une rencontre à l'autre, d'un rythme de techno à un air de flamenco, ils vont refaire tous deux, à rebours, le chemin de l'exil.
Tony Gatlif s'est fait connaître en 1997 par GADJO DILO, troisième élément d'un tryptique sur le peuple tzigane commencé avec LES PRINCES (1983) et poursuivi avec LATCHO DROM (1993). Ses derniers films n'ont pas connu autant de succès (VENGO, 2000; SWING, 2002). EXILS est son quatorzième long métrage et s'inscrit - comme toujours - dans le paysage. C'est l'une de ses qualités: de Paris à Alger la caméra saisit les espaces, les couleurs, captant au passage les visages et l'existence des habitants, comme ces clandestins africains vivant dans les ruines d'Alméria peu après un tremblement de terre. EXILS c'est aussi un voyage musical, une progression rythmée par les chants, avec cette fois-ci une (très) longue scène finale de transe (on est plongé dans une cérémonie soufie), un rituel qui pourra peut-être permettre à Naïma d'échapper à ses peurs et à ses frustrations. La musique vient au secours des âmes blessées, elle leur donne la possibilité de dépasser leurs inhibitions.
On sent ainsi dans EXILS la volonté du cinéaste - gitan d'origine andalouse, né en 1948 à Alger, un pays qu'il quittera à l'âge de dix ans - de retrouver ses racines. Le film est vivant, outrancier par instants, émouvant aussi, mais finalement assez limité dans son propos. Si l'on suit ce récit d'un retour d'exil avec plaisir, on peut se demander si, au-delà de ce voyage qui s'accompagne souvent d'une forme d'insouciance assez crue, il y a autre chose qu'un horizon bouché. Reconquête de soi-même, de son identité et retour à ses origines? On le souhaite. Avec une réintégration possible? Rien n'est suggéré en ce sens.
Antoine Rochat