Capturing the Friedmans

Affiche Capturing the Friedmans
Réalisé par Andrew Jarecki
Pays de production U.S.A.
Année 2003
Durée
Musique Andrea Morricone
Genre Documentaire
Distributeur Haut et Court
Acteurs Arnold Friedman, Elaine Friedman, David Friedman, Seth Friedman, Jesse Friedman
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 480
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Tout est là, devant nos yeux: une famille qui vit dans un riche quartier résidentiel d'une ville américaine; le père, la mère et trois garçons. Le père et l'un des enfants ont été accusés d'avoir violenté et abusé sexuellement plusieurs enfants qui venaient prendre des cours d'informatique au domicile des Friedman. Pour cela, la justice les a condamnés tous les deux à plusieurs années de prison à la fin des années 80.

Pourquoi revenir sur ce drame? Parce qu'Andrew Jarecki se proposait de réaliser le portrait d'un clown des rues, David. Et que David, chaque fois qu'il était questionné sur sa famille, sécrétait des réponses qui l'intriguaient fortement. De fil en aiguille, il découvre que David est le fils aîné des Friedman et surtout que la manie de cette famille était de se filmer.

Andrew Jarecki change son projet. Il reconstitue le dossier du drame, d'une part en faisant parler les protagonistes, d'autre part en l'illustrant par de très nombreux extraits de ces fameux films de famille. Avec la bénédiction de David.

En sort un documentaire prodigieusement intéressant. Non pas qu'il aide à établir une contre-vérité ou à présenter une lecture plus limpide de l'événement. C'est même tout le contraire: le spectateur sort de la salle dans un état de grande confusion. Le réalisateur lui-même avoue en fin de compte ne plus arriver à discerner le vrai du faux.

Quel peut donc bien être l'intérêt d'un documentaire qui complique à souhait une réalité déjà embrouillée? C'est que, ce faisant, il nous livre quelques précieux enseignements.

L'auteur a premièrement recherché à placer le spectateur dans le même désarroi qu'un documentariste mis devant une multiplicité de vérités contradictoires et pourtant toutes crédibles. Il y a là un parti pris d'objectivité, de respect des paroles données qui dit à quel point la quête de la vérité, pour un créateur en audiovisuel autant que pour un juge, est un art hautement complexe et sensible. Et à quel point le pouvoir de l'outil est redoutable.

Deuxième enseignement, qui découle du premier: les intelligences humaines ont une capacité très grande pour manipuler les faits. Dans le film, des groupes de pression de toutes sortes favorisent cette contorsion du réel: les fils font pression sur la mère pour qu'elle donne du père/mari une vision qui concorde avec la leur; les gens du quartier se mobilisent et semblent ""grossir"" les faits; l'amour maternel incite fils et mari accusés à plaider coupable ou non coupable, non pas en fonction de ce qui est vrai, mais en fonction du nombre d'années d'emprisonnement encourus par le fils.

Dans la jungle des éléments contradictoires, ce documentaire agit finalement comme un énorme écran où s'affiche - comme volontairement - une parfaite confusion. Tout est là, mais tout est bloqué. Même les extraits de films de famille tournés ""en veux-tu en voilà"" par les Friedman en pleine crise augmentent encore la pagaille (sans doute font-ils aussi écran à la clarté des relations, à une juste perception des dysfonctionnements familiaux: l'audiovisuel leur sert d'alibi et les ""capture"" dans leur propre piège).

Le troisième enseignement est court: c'est que la vérité est simple et qu'elle tient en trois petites lettres. Mais que l'essentiel, c'est que ces trois lettres soient prononcées. ""Astu violé ces enfants?"" ""Oui"" ou ""Non"". La triste histoire de ce film, c'est que le principal intéressé - le père - ne répond pas à cette question. Ni à ses proches, ni à ses accusateurs, ni à la justice, ni à la caméra. Emerge alors en filigrane le tableau des dégâts considérables que peuvent provoquer trois petites lettres qui n'ont pas été prononcées: la mort d'une famille. Triste parabole, enchâssée dans un documentaire très éclairant."

Ancien membre