Ixième, journal d'un prisonnier

Affiche Ixième, journal d'un prisonnier
Réalisé par Pierre-Yves Borgeaud, Stéphane Blok
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 476

Critique

Présenté lors du dernier Festival de Locarno (compétition internationale vidéo), le film des Lausannois Pierre-Yves Borgeaud et Stéphane Blok a obtenu le Léopard d'Or vidéo (notre confrère Claude Vallon en a déjà parlé dans CF n. 464, p. 28).

Entre le documentaire et la fiction, voilà un film qui se présente comme un journal intime tourné à l'aide d'une petite caméra numérique, par un prisonnier à domicile - à qui l'on a glissé sous la peau la petite puce de surveillance indispensable. Erik Suger (c'est son nom), 38 ans, célibataire, filme un peu tout ce qu'il voit: son appartement, les petits incidents du quartier, le métro qu'il emprunte pour aller travailler, les femmes qu'il paie pour venir chez lui, sans oublier tous ses propres fantasmes. IXIEME devient ainsi un patchwork de séquences réelles ou imaginaires proposées au spectateur. Un monde audiovisuel qui n'a pas de signification très précise, tout au plus le protagoniste se voit-il contraint, par la force des choses, de se construire une forme de liberté intérieure susceptible de lui permettre de survivre. Une expérience qui tournera à la dérive, au grand dam de l'assistant social chargé de surveiller l'homme et l'opération caméra-vidéo programmée.

IXIEME, JOURNAL D'UN PRISONNIER, c'est beaucoup de choses à la fois. Trop sans doute: un voyage intérieur à travers des images (parfois inattendues), quelques scènes de la vie quotidienne d'un quartier des hauts de Lausanne et de ses habitants, une réflexion (sommaire) sur la privation de liberté, sur la solitude, une tentative d'innover dans le domaine audiovisuel, etc. Portée par un protagoniste qui ne parle pas et qu'on ne voit jamais, la caméra se veut essentiellement subjective, ce qui, au bout du compte, affaiblit le propos. Le film - fait d'images, de clips, de sons, de plages musicales - apparaît comme une suite de séquences qui se suffisent à elles-mêmes, le personnage central, de peu d'intérêt, s'effilochant de plus en plus. Reste un long métrage vidéo qui, s'il est bien maîtrisé au niveau de sa technologie (de pointe), n'est pas toujours novateur. Œuvre conçue et réalisée à partir d'un petit budget, tournée avec quelques acteurs en une dizaine de jours, IXIEME est un exercice de style sans doute réussi, mais qui laisse en même temps apparaître ses limites. Voilà un film qui titille peut-être par instants la curiosité du spectateur, mais qui, dépourvu d'émotion comme son héros, risque de disparaître sans laisser beaucoup de traces.

Antoine Rochat