Yossi & Jagger

Affiche Yossi & Jagger
Réalisé par Eytan Fox
Pays de production Israël
Année 2004
Durée
Musique Ivri Leder
Genre Drame
Distributeur Grimace
Acteurs Aya Koren, Ohad Knoller, Yehuda Levi, Assi Cohen, Hani Furstenberg
N° cinéfeuilles 476

Critique

"Film étonnant par son sujet, YOSSI & JAGGER donne une image forte et sans parti pris de l'armée israélienne. Une image qui bouleverse par sa réalité trop souvent ignorée.

L'hiver a posé de la neige partout sur cette base militaire israélienne. La vie y suit son cours dans la monotonie de l'inconfort. Les soldats sont de très jeunes gens. Garçons et filles, ils ont dans la tête les chansons à la mode et leurs histoires d'amour. Que serait leur vie s'il n'y avait pas la guerre? Ils en rêvent. Yaniv (Erez Kahana) est l'excellent cuisinier de la troupe, plus tard il ouvrira un restaurant. Yaeli (Aya Koren) est tombée amoureuse de Jagger (Yehuda Levi), un homosexuel lui-même très lié à Yossi (Ohad Knoller), l'officier qui dirige la petite troupe et qui croit, lui, à sa mission. Les heures s'épuisent aux tâches ordinaires. Jusqu'au moment où les recrues vont devoir partir en embuscade.

Récit d'une guerre ordinaire, YOSSI & JAGGER laisse sans voix. Bien mis en scène, bien filmé, étonnamment court au milieu de la production actuelle qui frise systématiquement les deux heures, il dit pourtant l'essentiel et suggère davantage en matérialisant un énorme gâchis. L'essentiel est que derrière les récits de violences qui rougissent les pages des journaux, il y a des êtres humains, souvent très jeunes, comme ici. Le réalisateur ne se demande pas contre qui ils se battent, mais garde une neutralité totale. Il les met en scène tels qu'ils sont, sans la moindre velléité d'en faire des héros. On est loin de la majestueuse Tsahal, triomphante armée du Grand Israël. Ces jeunes voudraient vivre autrement. Ils sont liés à un système qui peut les briser n'importe quand. On en comprend toute l'horreur.

Le scénario de YOSSI & JAGGER est basé sur un fait réel. L'un des personnages principaux saute sur une mine. C'est la première fois, selon le réalisateur, que l'occasion est ainsi donnée au public israélien de faire le deuil des soldats tués au combat. Voilà encore une réalité difficile à imaginer. Les dernières séquences se passent d'ailleurs dans la famille du jeune soldat et la souffrance du deuil y est prégnante, mais avec tant de dignité... Le film montre aussi une relation homosexuelle, délicate, mais partagée. Il la montre sans céder à la complaisance, en en faisant ressortir les deux faces, le bonheur qu'elle procure aux deux hommes et la difficulté de l'affirmer aux autres. C'est un choix courageux dans un pays où la règle orthodoxe est si présente.

Le film a reçu un accueil extrêmement positif en Israël, il paraît même que les militaires l'ont aimé. ""Je pense que cela vient du fait que l'on montre l'armée telle qu'elle est, commente le réalisateur. On sait qu'en Israël le service militaire est obligatoire. Il faut être très mûr, à 18 ans, pour refuser d'y aller. L'armée représente pour les jeunes Israéliens ce que représente l'université pour les jeunes Etasuniens. Nous ne pensons pas qu'elle soit un endroit épanouissant. Nous espérons vraiment que l'armée israélienne, après son retrait des territoires occupés de la Cisjordanie et de Gaza, après la fondation d'un état palestinien, deviendra une armée pour préserver la paix."""

Geneviève Praplan