Uzak

Affiche Uzak
Réalisé par Nuri Bilge Ceylan
Pays de production Turquie
Année 2002
Durée
Genre Drame
Acteurs Muzaffer Özdemir, Fatma Ceylan, Mehmet Emin Toprak, Zuhal Gencer Erkaya, Feridun Koç
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 473
Bande annonce (Allociné)

Critique

Description lente et délicate des relations qui s'établissent entre deux hommes issus de classes sociales différentes, UZAK est une œuvre originale et subtile, belle et surprenante.

Largement palmé - avec raison - à Cannes l'an dernier (Grand Prix, et double Prix d'interprétation masculine), celong métrage est admirable, en regard des sottises américaines - voir ROCK ACADEMY - déferlant sur nos écrans.

Dès les premiers plans, le spectateur est mis dans le bain: longues séquences sans musique, bruitage minimal, image dépouillée. Un village perdu, un minaret dans l'ombre, un marcheur piétinant la neige crissante, les rayons de l'aube caressant des crêtes dénudées.

Yusuf, licencié de l'usine locale, part chercher du travail à Istamboul, où vit - confortablement - un de ses parents, Mahmut, photographe branché. Figure emblématique d'une Turquie durement touchée par la récession, le jeune cousin vient poser son modeste sac dans l'appartement cossu (téléviseur grand écran, magnétoscope, ordinateur personnel, bureau tapissé de livres, laboratoire de développement...) Malgré sa discrétion voire son humilité, Yusuf, à l'instar de la souris que Mahmut s'efforce en vain de piéger, dérange la vie égocentrique et bien réglée de celui-ci.

Nuri Bilge Ceylan (NUAGES DE MAI) est un passionné de photographie, et cela se voit. Chaque plan de son film est une merveille de cadrage et de composition. La présence insolite de la neige sur Istamboul ajoute à la sobriété et couvre d'un voile pudique les déchets et sacs de plastique jonchant les rues. La bande sonore est très élaborée: des éléments de son direct (bruits de circulation, aboiements - les chiens errants, symboles d'abandon, sont nombreux dans l'ancienne Constantinople) ont été réinjectés, et il y a très peu de musique, choisie à bon escient (notamment la symphonie concertante de Mozart où violon et alto dialoguent tandis que Mahmut discute avec son ex-femme).

UZAK veut dire lointain, et cet adjectif qualifie bien le photographe, qui crée le vide autour de lui avec un art consommé et qui devient le lointain de ses proches, allant jusqu'à passer STALKER de Tarkovski pour faire fuir son cousin dans sa chambre afin de pouvoir regarder tranquillement une vidéo porno...

Ascétique, dépouillé, austère, UZAK n'a rien pour séduire un public en goguette, mais parlera à quiconque est sensible aux questions de relations interpersonnelles. Comme le dit son réalisateur, ce n'est pas un film commercial. Allez le voir, ça aidera Nuri Bilge Ceylan à produire et réaliser son prochain opus...

Daniel Grivel