Seigneur des anneaux (Le) - Le retour du roi

Affiche Seigneur des anneaux (Le) - Le retour du roi
Réalisé par Peter Jackson
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 472

Critique

"La trilogie de J. R. R. Tolkien se termine avec LE RETOUR DU ROI. Frodon pourra-t-il mettre l'anneau en sécurité? Un film imposant, un message complexe et un box-office qui s'annonce colossal.

Les uns se réjouissent, les autres sont agacés. Les premiers s'apprêtent à retrouver Frodon le Hobbit, le mage Gandalf, Arwen, Aragorn et autre Gimli; les seconds commencent à en avoir assez de ces sorties programmées, savamment orchestrées, précédées cette fois par la projection le 16 décembre des deux premiers épisodes de la saga avant de découvrir, le 17 décembre à minuit une, le troisième et - en principe - dernier, puisque l'écrivain J. R. R. Tolkien s'est arrêté là.

Le critique lui aussi est partagé. Il est époustouflé par l'ampleur de la réalisation, la beauté des décors, des costumes et des accessoires, la minutie des détails et des miniaturisations, les effets spéciaux, les batailles épiques, le souffle qui traverse parfois l'écran - mais, toute médaille ayant son revers, il peut être accablé par l'enflure de l'emphase, le ""fous-y-tout"" des styles architecturaux, vestimentaires et musicaux, une image sollicitant par trop l'œil du spectateur, l'accumulation des trucages, l'alternance répétitive des scènes de romance et de castagne, la lassitude engendrée par l'excès...

Il paraît que, lors de l'avant-première zuricoise, les journalistes ont applaudi plusieurs fois à l'issue de certaines scènes et qu'ils ont réservé au film une ovation debout. Rien de tel à Lausanne. Les Vaudois sont-ils plus réservés, plus blasés, plus que sais-je encore?... Peut-être éprouvaient-ils ce mélange de sentiments évoqué plus haut.

Toujours est-il que la trilogie se conclut en beauté. Pour les non-initiés, il faut savoir que les armées du maléfique Sauron ont attaqué la capitale du Gondor, en vue de mettre fin au règne des êtres humains sur la Terre du Milieu. Chaque victoire contre les forces du mal se paie par d'innombrables morts, et il semble que la résistance va céder devant l'ennemi monstrueusement puissant et doté d'un arsenal écrasant. Il ne reste qu'une solution: détourner l'attention de Sauron afin de permettre à Frodon et à son ami Sam d'achever la quête et de mettre l'anneau magique hors de portée de Sauron, afin de l'empêcher d'en faire le pire usage. Fragile et tenté par l'attrait du pouvoir, Frodon doit lutter contre lui-même, contre l'anneau, contre Gollum (ex hobbit corrompu par l'anneau et écartelé par une schizophrénie qui le tiraille entre le bien et le mal), contre des dangers de toute sorte - notamment une araignée gigantesque préfigurant l¹intention du réalisateur de tourner sa propre version de KING KONG.

Le soussigné le répète: lui aussi est écartelé entre l'admiration devant un opus colossal et un monument plutôt ""mystoc"". Le birchermüesli esthétique, idéologique, spiritualo-religieux peut séduire, mais aussi rester sur l'estomac. Mais il faut se souvenir que Tolkien a écrit sa trilogie il y a une cinquantaine d'années, au sortir d'une guerre où le nom de Sauron commençait par H et où les forces du mal disposaient d'un arsenal apparemment invincible; comme dans la Terre du Milieu, il fallut la coalition de nombreuses forces pour en venir à bout. A la différence des scènes idylliques marquant la fin du film, notre monde n'a plus jamais connu la paix depuis: il y a toujours eu, et il y a encore des guerres quelque part sur la planète.

On sent donc dans la vision de Peter Jackson, en filigrane, l'apocalypse que les Occidentaux vivent par procuration et parfois en temps réel: guerre du Golfe, 11 septembre 2001, ""axe du bien et du mal"", etc. On peut regretter l'engouement d'un certain public pour une spiritualité de bric et de broc, mais les Eglises sont en partie responsables de cette tendance de supermarché, où l'on remplit son chariot d'articles provenant de diverses religions. D'un autre côté, on peut saluer le message véhiculé par LE SEIGNEUR DES ANNEAUX: le primat de l'amitié, de la fidélité, de l'honnêteté, de la persévérance, de la loyauté, du service à la communauté, et le fait que ce n'est pas nécessairement le plus puissant qui gagne. A sa manière, Frodon incarne la parole apostolique: ""Dieu a choisi ce que le monde estime faible pour couvrir de honte les forts""."

Daniel Grivel