Critique
"Joe Dante - à l'instar de QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT? - mélange acteurs et héros d'animation dans un long métrage qui s'adresse aux enfants, mais bourré de clins d'œil destinés aux adultes.
Les personnages de Bugs Bunny (le lapin) et de Daffy Duck (le canard) vous disent sans doute quelque chose. Ou alors ceux de Speedy Gonzales, de Titi et Grominet? Créatures issues de l'imagination du dessinateur Chuck Jones, les voilà toutes embarquées dans un film de fiction insolite et réussi.
Chassés des studios de la Warner, le vilain petit canard Daffy Duck et le cascadeur DJ Drake (Brendan Fraser) partent à la recherche du diamant ""Blue Monkey"" qui a appartenu au père du second, un acteur de films d'espionnage en même temps qu'agent secret (Timothy Dalton). Resté à Hollywood, Bugs Bunny découvrira - trop tard - que son compère Daffy lui est indispensable sur les plateaux des studios. Il partira donc à sa recherche, flanqué de la vice-directrice de la Warner, Kate Houghton (Jenna Elfman), qui a réalisé - elle aussi un peu tard - que le box-office se porte mal depuis le départ de Daffy.
En suivant ce fil rouge (d'aventures) et tout au cours de séquences de plus en plus loufoques, le film de Joe Dante s'amuse à égratigner au passage le monde du cinéma hollywoodien. Le réalisateur prend plaisir à pasticher certaines séquences des ""block-busters"" hollywoodiens (BATMAN, LARA CROFT et d'autres), à laisser ladite vice-présidente de la Warner vider son cœur et se plaindre de ses conditions de travail, à donner la parole au cascadeur qui se gausse de quelques super-stars jalouses de son succès, à retrouver pêle-mêle tous les monstres et les extraterrestres des films de fiction des années 50-60, etc. Les coups de patte ne manquent pas et font mouche.
La société consumériste américaine n'est pas épargnée non plus: le diamant ""Blue Monkey"" tant convoité permet à la fois de transformer l'homme en singe - pour ne pas avoir besoin de payer trop cher son travail - et de lui redonner ensuite forme humaine - pour qu'il puisse acheter et consommer ce qu'il vient de produire. Il suffisait d'y penser... Beaucoup d'autres séquences sont à lire ainsi au deuxième degré.
LES LOONEY TUNES PASSENT A L'ACTION est un film à la fois nostalgique (dans ce retour aux images et aux héros des années 50), gentiment iconoclaste (dans sa critique légèrement provocante de la société américaine) et plein d'inventions débridées et surprenantes (il faudrait parler de la visite du Louvre par Bugs et Daffy qui traversent les toiles et s'installent dans les tableaux de maîtres, se ramollissant à l'image des montres... molles de Dali, par exemple). En cela LOONEY TUNES s'inscrit largement, par ses allusions ironiques, par ses trouvailles visuelles et sa joyeuse titillation du politiquement correct, bien au-dessus du niveau d'un simple divertissement."
Antoine Rochat