Critique
"Avant de réaliser le remake - promis pour 2004 - de TUEURS DE DAMES (le film de Mackendrick, avec Alec Guiness et Peter Sellers, 1955), Joël et Ethan Cohen ont fait un petit détour par le cinéma made in Hollywood, avec une comédie romantique un peu décalée qui égratigne au passage le monde juridique. Mais ce qu'il avaient réussi avec FARGO (en décalant le genre du ""polar""), ils ne parviennent pas à le faire avec INTOLERABLE CRUAUTE, une oeuvrette qui ne laissera guère de traces indélébiles.
Avocat arriviste et magouilleur de fortunes, spécialiste dans les affaires de divorces de millionnaires, Miles Massey (George Clooney) tombe amoureux de la future ex-femme d'un de ses clients. Une histoire pas toujours très simple à suivre, où l'on brasse et déchire beaucoup de contrats de mariage. Apparaît de temps en temps la patte des frères Coen, qui essaient de faire dérailler la romance, en y glissant quelques répliques pointues, des situations cocasses et un ou deux personnages secondaires farfelus. Mais leur dixième film, qui se voulait sans doute comédie sur la cruauté et sur la guerre des sexes, tourne court. Les acteurs peinent à entrer dans leurs rôles: Catherine Zeta-Jones, plastique irréprochable et professionnelle de l'arnaque aux sentiments, George Clooney, bellâtre et avocat sans scrupules, Billy Bob Thornton, riche magnat du pétrole, sans oublier Geoffrey Rush et les autres, tout ce beau monde s'efforce de trouver sa place dans cette ""comédie-romantique-mais-féroce"" (comme le dit l'affiche), mais sans grand succès.
INTOLERABLE CRUAUTE est un film qui pouvait prendre à rebrousse-poil les règles du genre. Or les auteurs n'ont pas été (n'ont pas osé? n'ont pas pu aller?) jusque-là. Et s'il y a quelques bonnes répliques, si le rire perce de temps à autre, il est souvent jaune: cette histoire de vengeance, de coups tordus où chacun cherche à gruger l'autre, bat parfois des records de cynisme. L'humour, quand il se pointe, ne parvient pas à faire passer cette historiette romantique que l'on aurait souhaitée plus pimentée par la parodie ou la caricature. Et l'on sort de ce film en se demandant finalement qui a été le pigeon de l'affaire."
Antoine Rochat
