Critique
"Raoul Ruiz, cinéaste chilien vivant en France, est un réalisateur qui a touché à tous les genres. Avec CE JOUR-LA, on a affaire à la fois à une parabole sociale (une famille bourgeoise haut standing), à une fable politique et helvétique (ah! toujours les mêmes clichés sur la présence des véhicules de l'armée, sur les bistrots ennuyeux, la nonchalance et l'accent vaudois, sans compter les présences quasi incontournables de Jean-Luc Bideau en flic et de son complice Jacques Denis en bistroquet) et en même temps à une intrigue policière. C'est d'ailleurs au niveau du polar que Ruiz remplit le mieux sa mission, avec une galerie de personnages décalés, de demi-fous qui ne sont pas si fous que ça, et de gens apparemment normaux plus cinglés que les autres.
Coup d'œil mâtiné de surréalisme jeté sur une famille de la Côte lémanique, CE JOUR-LA ne nous emmène pas très loin. Refusant toute existence historique ou psychologique à ses personnages, Ruiz livre un produit grinçant et amer. Seul Jean-François Balmer, dans le rôle de l'intendant de la maison, se risque à exprimer deux ou trois paroles positives. Maîtrise dans la direction des acteurs (tous très bons) et rigueur d'une excellente mise en scène ne sauvent pas le film: cette tragi-comédie manque sérieusement d'intérêt.
Antoine Rochat
Le nouveau film de Raoul Ruiz ne s'est pas signalé dans la sélection officielle du dernier Festival de Cannes. Son propos est sans doute trop abscons, malgré le regard poétique qu'il pose sur la folie. Le réalisateur chilien n'est pas le moindre des auteurs. Son palmarès est important, depuis L'ŒIL QUI MENT, en 1992, sa première sélection cannoise. Plusieurs fois en compétition à Cannes, Venise et Berlin, c'est dans ce dernier, en 1987, qu'il a remporté l'Ours d'argent pour GENEALOGIE D'UN CRIME, avec Catherine Deneuve. LE TEMPS RETROUVE, d'après l'œuvre de Proust, lui a valu un joli succès en 1999.
Il n'aura peut-être pas autant de chance avec CE JOUR-LA, qu'il qualifie de ""comédie helvétique"", sans parvenir à y faire croire, tant le propos est alambiqué. Livia (Elsa Zylberstein) est folle, mais pas assez pour être internée a déclaré le docteur. Pointpoirot (Bernard Giraudeau), en revanche, n'a pas échappé à l'asile: il est dangereux. Une vaste conspiration fomentée par les plus hautes instances confédérales va pourtant lui permettre de s'échapper. Il fait connaissance avec Livia, dans sa superbe demeure, tue tous les membres de la famille, sauf elle, en qui il a reconnu l'âme sœur. Voulu comme ""une fable politique, un film policier et une invitation au ravissement"", l'œuvre s'embrouille sur les deux premières définitions et perd rapidement de son intérêt. La poésie, lumineuse dans le regard de Livia et celui de Pointpoirot, éveille quelques moments de grâce, ils sont brefs. La pâte du film est faite de ce mélange d'humour et de pesanteur dans laquelle certains auteurs suisses romands se sont trop souvent englués les semelles. On s'étonne que le Chilien Ruiz s'y soit si bien adapté.
Geneviève Praplan"
Ancien membre
