Dogville

Affiche Dogville
Réalisé par Lars von Trier
Pays de production Italie, Danemark, Suède, France, Norvège, Pays-Bas, Finlande
Année 2003
Durée
Genre Thriller, Drame
Distributeur pathefilms
Acteurs Nicole Kidman, Paul Bettany, Jeremy Davies, Patricia Clarkson, Siobhan Fallon
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 460
Bande annonce (Allociné)

Critique

Lars von Trier n'a pas obtenu la Palme au Festival de Cannes. Sa singularité lui a peut-être fait du tort. DOGVILLE est pourtant une œuvre troublante, d'une belle sobriété.

Lars von Trier a écrit le rôle de Grace pour Nicole Kidman, ""où plutôt pour l'image que j'avais d'elle. C'était intrigant de mettre une star d'Hollywood dans un film comme celui-là. Ça attirera peut-être un public différent, à condition qu'il ne soit pas effrayé par le fait qu'il n'y a que des acteurs sur un sol tout noir..."" On connaît le réalisateur pour son vœu de chasteté cinématographique, le règlement Dogma 95, autrement dit, un cinéma minimaliste au profit de la création. On peut estimer sa pugnacité à défendre envers et contre tout un cinéma d'auteur, cinéma parfois difficile, qui pourtant a toujours été reconnu par le public. LES IDIOTS, DANCER IN THE DARK et surtout BREAKING THE WAVES en sont la preuve.

Dogville s'est bien construit sur "un sol tout noir". On y arrive par une plongée verticale de la caméra, qui montre une sorte de marelle. La petite cité n'a pas de murs. Les personnages vivent dans des appartements imaginaires, marqués au sol, et la sobriété du décor leur laisse toute leur force. Il y fait nuit presque tout le temps. Une branche d'arbre fleurit, élargit ses feuilles et les teintes d'automne, au fil des saisons. L'histoire se passe au temps d'Al Capone, aux Etats-Unis sans doute, mais elle pourrait se renouveler n'importe où ailleurs.

Grace est poursuivie par des gangsters. Tom (Paul Bettany), porte-parole de la ville, décide de l'aider. Les habitants ne la trahiront pas, en échange, elle travaillera pour eux. Pourtant, au cours des mois, l'accord se fêle aux dépens de la jeune femme, révélant la tragique versatilité de l'être humain. Elle, si souriante, est mise aux fers. Les gangsters qui la recherchent ne l'auraient pas fait souffrir davantage. Seul lui reste Tom, l'homme qui l'aime, attentif à la soutenir. Mais jusqu'à quand?

Une fois de plus, Lars von Trier met en scène un personnage qui devient la victime d'une communauté. Plus on se soumet, plus on aiguise le pouvoir. De quelle expression du pouvoir s'agit-il? De toutes à la fois. Celle de la communauté, celle des chrétiens, celle des enfants, celle de l'amoureux, celle du père, celle de la corruption... L'expression du pouvoir est partout, tous les êtres humains en possèdent une part, qu'ils ne maîtrisent pas forcément. Chacun, fût-il soumis par plus fort que lui, est en mesure de soumettre quelqu'un d'autre.

Bourré d'idées fortes, le récit pèle la conscience comme un oignon. Le comportement des personnages, l'organisation de leurs réunions s'ancrent dans la réalité quotidienne, alors que tout, dans le style du film, pousserait vers l'irréalité. Théâtral, littéraire, il oscille entre le cinéma muet par son découpage et le livre illustré par la voix off qui prend le pas sur les dialogues. Le désir d'originalité du réalisateur est abouti, avec un risque de systématique que la force du propos déjoue: que fait-on de ce pouvoir, comment finit-il par nous corrompre? La réponse que donne von Trier concerne la société tout entière.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Georges Blanc 13
Daniel Grivel 18
Ancien membre 18
Antoine Rochat 18
Anne-Béatrice Schwab 19
Maurice Terrail 15