Critique
"Paris, quelques mois après la Libération. Dans la boutique d'un tailleur juif, quelques hommes et quelques femmes, des gens ordinaires mais fragilisés par leur passé récent, réapprennent à vivre. Une fresque intimiste et un film qui est une nouvelle preuve du talent de Michel Deville.
Le titre de ce film, adapté d'un roman de Robert Bober intitulé Quoi de neuf sur la guerre?, donne le ton de cette œuvre pétrie de tendresse et d'émotion. Un monde, parce qu'il s'agit de la vie de tout un petit monde d'hommes, de femmes et d'enfants, pour la plupart d'origine juive. Paisible, puisqu'on est au lendemain de la Libération et que l'on aspire à la paix. Un monde paisible, enfin presque, parce que les séquelles de la guerre sont encore bien présentes et que chacun véhicule avec lui un passé très récent.
Dans cette boutique de tailleurs juifs ayant survécu au conflit et aux déportations, il y a Albert, le patron, qui pratique son art, ou plutôt son artisanat, avec tant de conviction qu'il en oublie sa vie privée. Léa, son épouse, est un peu l'âme de l'atelier; cependant sa vie affective est loin d'être satisfaite, même s'il y a deux adorables enfants. Il y a aussi cette grande gueule de Léon, comédien à ses heures et sa femme Jacqueline, enceinte de son deuxième enfant. Madame Andrée, elle, n'est pas juive et cherche désespérément l'âme sœur, alors que Maurice le mélancolique, tout en se réalisant efficacement dans son métier, trouve l'amour et une certaine sérénité auprès de Simone, une jeune prostituée. En cette année 1946, en ce temps de retour à la vie, Charles, lui, reste emmuré dans ses souvenirs et n'arrive à conjurer le passé que par le deuil prolongé de sa femme et de ses enfants.
Rares sont les films traitant de cette période de l'après-guerre dans la France libérée et l'on sait gré à Michel Deville d'avoir retrouvé dans cette fresque intimiste la même délicatesse et la même retenue qui caractérisaient son dernier film LA MALADIE DE SACHS. ""Le sujet m'est apparu comme une évidence, raconte le réalisateur. J'ai aimé l'économie narrative du roman de Robert Bober, sa simplicité, sa pudeur, la violence des émotions, la douceur des mots, le rayonnement des personnages. Le texte est dense et lumineux en même temps. J'espère que mes images auront un peu de ces qualités.""
Michel Deville a su trouver le tact et la sensibilité qui convenaient à un thème aussi particulier et certaines scènes deviennent presque magiques tant elles sont lumineuses. Et si l'on y ajoute une excellente direction d'acteurs et une distribution parfaitement homogène, on aura compris que ce film est autant une belle page de cinéma qu'une intéressante page d'histoire."
Georges Blanc