Une adolescente

Affiche Une adolescente
Réalisé par Eiji Okuda
Pays de production Japon
Année 2001
Durée
Musique Shigeru Umebayashi
Genre Romance, Drame
Distributeur Pan Européenne Edition
Acteurs Eiji Okuda, Mayu Ozawa, Shoji Akira, Mari Natsuki, Hideo Murota
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 455
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Sous des apparences de simplicité candide, cette œuvre du cinéma japonais plonge le spectateur au cœur d'une belle méditation sur la vie, la société et l'amour de deux êtres.

L'entreprise était hasardeuse! Comment parler de l'amour entre un homme à la quarantaine bien sonnée - un policier plutôt louche, ne négligeant ni l'alcool ni les femmes - et une adolescente de 15 ans, sans tomber dans le récit à scandale (le portrait d'un vieux pervers) ou le mélodrame insipide. Okuda déjoue magnifiquement tous les pièges. Il édifie une œuvre forte qui rejoint les profondeurs de l'être. En prime, s'immergeant totalement dans sa création, il incarne courageusement le personnage de Tomokawa.

Tomokawa n'a pas son pareil dans le quartier pour retrouver les chiens volés. Il vit oisivement sa vie de policier quadragénaire, à la limite des codes de moralité en vigueur dans la société japonaise. Attirée au départ par le tatouage - véritable ouvrage d'art - que Tomokawa porte dans le dos, Yoko le séduit. Tous deux se jettent alors dans une passion amoureuse, captivante davantage par les racines qu'elle met au jour que par l'issue très incertaine à laquelle cette relation semble vouée.

La beauté des images, celle des corps, sont les premiers ingrédients de cette réussite cinématographique. C'est une constante du film que ce regard pudique - particulièrement respectueux de la jeune comédienne - qui tente de rejoindre les rives presque inaccessibles de l'amour parfait, idéal, empruntant pour cela le splendide esquif de la beauté (il faut toutefois déplorer deux ou trois scènes à l'érotisme plus graveleux décrivant des relations extérieures à l'adolescente et qui, traitées plus finement, auraient mieux servi le film).

Le scénario nous introduit astucieusement et par paliers successifs à toutes les dimensions du drame. Derrière la passion de la jeune fille, c'est en fait l'immense déficit de son environnement familial qui se laisse voir: suicide du père, abandon maternel, viol du beau-père. Plus largement, c'est la démission, la trahison de toute une classe d'âge qui est stigmatisée. Yoko recherche désespérément une assise adulte sur laquelle elle n'a pu s'appuyer jusque-là pour croître. Au contraire, les ""grands"" - incapables de voir au-delà de leurs intérêts égoïstes - n'ont fait que puiser dans ses richesses juvéniles à peine écloses (ce discours rappelle les cris déchirants que Pasolini, notamment dans SALO, muait lui aussi en transgressions des codes établis). A ce titre, le film pourra abondamment stimuler la réflexion du monde adulte face à l'enfance et à l'adolescence.

La fresque des personnages secondaires, impressionnants chacun de force et de poésie, enserre le couple central dans un carcan à la fois contraignant et protecteur. C'est une enveloppe de crédibilité qui amarre la romance aux pôles de la réalité, ouvrant toutes grandes les portes de la fable. Les lois et les codes sociaux - en dehors de la fiction - auraient en effet rapidement condamné cette relation hors normes.

Par la confrontation à la réalité viendra sans doute la chute de ce couple éphémère. Yoko n'a pas de poids, aucune consistance face au choc du quotidien. Et Tomokawa n'a pas suffisamment grandi pour tenir l'incommensurable distance. Mais le cinéaste grave dans le dos de ces amants - majestueux papillon - le symbole grandiose de l'amour idéal. Ne s'embarrassant ni des frontières du temps ni des codes sociaux, ses ailes frémissent au grand vent. Et un instant s'envole."

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