Critique
Peter Mullan - né en 1959 à Glasgow - est surtout connu comme acteur. On se souvient en particulier de lui dans MON NOM EST JOE de Ken Loach, rôle qui lui valut à Cannes en 1998 le Prix d'interprétation masculine. Il travailla également avec Michael Winterbottom, Mike Figgis, Dany Boyle et d'autres réalisateurs de cette mouvance sociale et militante du cinéma britannique. Il s'inscrit donc dans cette ligne sans y faire tache.
Avec ce film coup de poing, Peter Mullan décrit la vie de jeunes filles incarcérées dans un des couvents des sœurs de Marie-Madeleine. Cette institution a été créée dans l'Irlande du XIXe siècle et doit son nom à Marie-Madeleine, femme de mauvaise vie devenue sainte après s'être repentie aux pieds de Jésus. La dernière de ces maisons n'a été fermée qu'en 1996 et l'action du film se déroule dans les années 60. Nous suivons le drame de trois jeunes filles rejetées par leurs familles pour être jugées pécheresses. L'une a été violée par son cousin, une autre, trop jolie, attirait les regards des garçons et la troisième était une fille-mère à qui on a arraché son bébé avec une incroyable brutalité. Elles sont internées à vie sous l'autorité cruelle de sœurs de la Miséricorde qui portent très mal leur nom.
Avec l'aide de quelques jeunes et remarquables comédiennes, Peter Mullan ne fait pas dans la dentelle pour dénoncer l'envers de l'esprit de charité et la déviance de ces religieuses frustrées et particulièrement bornées. Mais au-delà de cette description impitoyable des conditions de vie de ces filles, le cinéaste s'en prend aussi à l'intolérance et à l'esprit de jugement de cette société marquée par la toute puissance de l'Eglise.
Le film est dur, révoltant, sans humour et bouleversant. On a reproché à Peter Mullan de ne montrer qu'une facette de la réalité. Dans cette œuvre, tous les hommes sont des monstres et la religion conduit à cette perversité. Il y a là une dénonciation radicale des dérives de la morale à laquelle conduit la religion. Ce film cruel, qui souffre de quelques longueurs, est sans appel. Le cinéma militant est toujours digne d'intérêt, mais à condition de savoir qu'il se sert de grossissements pour convaincre, davantage que d'objectivité et qu'il faut se garder des généralisations.
Maurice Terrail