Fleur du mal (La)

Affiche Fleur du mal (La)
Réalisé par Claude Chabrol
Pays de production France
Année 2003
Durée
Musique Matthieu Chabrol
Genre Drame, Thriller
Distributeur MK2 Diffusion
Acteurs Nathalie Baye, Suzanne Flon, Bernard Le Coq, Benoît Magimel, Mélanie Doutey
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 453
Bande annonce (Allociné)

Critique

Les Atrides en Aquitaine... C'est un peu ce que propose Claude Chabrol, mais les angles de la tragédie sont émoussés par l'ambiance feutrée et le caractère bourgeois des protagonistes. Le contraste entre la violence contenue des sentiments et la respectabilité de façade aurait pu être détonant, mais il est gommé par une réalisation un peu nonchalante. Le corbeau (il y a un tract politique anonyme) manque de vinaigre...

Anne Charpin-Vasseur (Nathalie Baye, un peu figée), conseillère municipale d'une commune bordelaise, est candidate à la mairie. Elle en délaisse son mari Gérard Vasseur (Bernard Le Coq), pharmacien qui compense en multipliant les bonnes fortunes. Les Vasseur et les Charpin ont un passé pas très net et prouvent que de nos jours encore la France a mal à son Occupation. Coupable, pas responsable? Responsable, pas coupable? Le passé rejoint les générations plus jeunes sous la forme d'un tract anonyme pas piqué des vers. Qui en est l'auteur: le candidat d'extrême-droite, ou pourquoi pas Gérard?

François Vasseur, fils de Gérard et de sa défunte femme, tente, avec Michèle Charpin, fille d'Anne et de son défunt mari, de démêler l'écheveau, sous le regard complice de tante Line, Micheline Charpin (Suzanne Flon, telle qu'en elle-même l'éternité ne la change pas), témoin privilégié des événements anciens. François semble aussi paumé que le spectateur.

Chabrol a déclaré un jour aimer les critiques qui disent du bien de ses films et ne pas aimer ceux qui en disent du mal. A me lire entre les lignes, vous aurez compris que j'ai cette fois-ci choisi d'être parmi les mal-aimés...



Daniel Grivel





Un autre avis...



Etonné par la critique mitigée qui a été faite de ce film dans le dernier numéro de notre revue, ainsi que par les appréciations sévères de la plupart de ses collaborateurs, c'est avec circonspection que l'inconditionnel de Chabrol que je suis est allé à la découverte de cette FLEUR DU MAL. J'en suis revenu enthousiasmé. J'ai retrouvé avec délectation cette atmosphère étouffante, à la fois troublante et complexe, si chère à un réalisateur qui ne se lasse pas de fustiger ce milieu particulier de la bourgeoisie provinciale.

Il est vrai que cette approche peut paraître déconcertante, l'intrigue n'étant que de peu d'importance chez Chabrol. Elle est même bourrée d'invraisemblances dans ce film. On perdrait son temps à essayer de remettre à leur place les membres de la famille Charpin-Vasseur. Chabrol avouait même avoir été obligé de se faire un arbre généalogique pour pouvoir s'y retrouver! Ce sont les personnages, pris d'abord séparément, puis dans leurs rapports avec autrui, qui intéressent le réalisateur et retiennent l'attention. Ainsi la tante Micheline, toute parricide et incestueuse qu'elle est, n'a-t-elle pas une force de vie et une volonté qui entraîne l'admiration? Le père, dans son aveuglement et sa superficialité, et la mère, dans sa froide ambition, ne sont-ils pas les acteurs minables de ce drame familial? Le colistier de la future conseillère municipale n'est-il pas le prototype du politicien sans état d'âme qui n'a qu'un but en tête, et n'est-il pas finalement l'auteur du tract anonyme et diffamatoire qui met le feu dans la maison? Et que penser de l'avenir des deux jeunes gens qui paraissent tirer leur épingle du jeu mais qui pourraient bien se retrouver, sans le savoir, frère et sœur!

Vous l'aurez compris, ce huis clos familial des plus sulfureux, propre au genre qu'affectionne Chabrol, m'est apparu telle une merveille de subtilité et d'intelligence, comme si la fleur du mal ne pouvait s'épanouir que dans la fange d'une société aussi pourrie.



Georges Blanc

Ancien membre