Sweet Sixteen

Affiche Sweet Sixteen
Réalisé par Ken Loach
Pays de production Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne
Année 2002
Durée
Musique George Fenton
Genre Drame
Distributeur Diaphana Films
Acteurs Martin Compston, Michelle Coulter, Annmarie Fulton, William Ruane, Gary McCormack
N° cinéfeuilles 438
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Après l'Angleterre (THE NAVIGATORS, 2001) Ken Loach pose sa caméra en Ecosse, près de Glascow, et s'intéresse une nouvelle fois aux destins des déshérités de la Grande-Bretagne contemporaine. A travers le portrait d'un adolescent en rupture familiale et livré à lui-même, il dresse un réquisitoire alarmant de la condition sociale des jeunes Ecossais, victimes des crises industrielles qui ont plongé leurs parents dans la pauvreté.

Alors que sa mère va sortir de prison, la veille de ses 16 ans, Liam a besoin d'argent. De combines en trafics de toutes sortes, il se laisse entraîner et s'enfonce dans une situation si inextricable qu'on n'imagine guère qu'il puisse en sortir indemne... A 66 ans, Ken Loach n'a rien perdu de son allant: il garde l'oeil perçant et le propos mordant qu'on lui connaît. Abordant sans complaisance ni optimisme les problèmes liés à l'adolescence et au chômage, SWEET SIXTEEN est un film bâti en coup de poing, et sans concession.





A travers le portrait d'un adolescent livré à lui-même, Ken Loach dresse un réquisitoire alarmant de la condition sociale de jeunes Ecossais victimes de la crise économique. Un film sans concession.

A 66 ans, Ken Loach n'a rien perdu de son punch. Il garde l'œil perçant et le propos mordant qu'on lui connaît. Abordant sans complaisance ni optimisme les problèmes liés à l'adolescence et au chômage, SWEET SIXTEEN est bâti en coup de poing. En cela le cinéaste britannique reste fidèle à lui-même. Dans chacun de ses films (il en a tourné une bonne vingtaine), on retrouve toujours le même regard aigu porté sur un problème d'ordre social ou politique, la vigueur du propos étant tantôt nuancée par une bonne dose d'humour (RAINING STONES, MY NAME IS JOE), tantôt renforcée par les accents d'une véritable tragédie (LADYBIRD, LAND AND FREEDOM, THE NAVIGATORS).

Avec SWEET SIXTEEN, on est résolument dans le deuxième cas de figure: le réquisitoire est fort, les gestes violents et les quelques touches d'humour initiales sont vite balayées par le vent du désespoir.

Ken Loach pose sa caméra en Ecosse, dans les deux petites villes de Greenock et Port Glasgow, sur les rives du fleuve Clyde, là où la vie ouvrière a été détruite par le fermeture des grands chantiers navals. Loach s'attache aux destins des déshérités de cette partie de la Grande-Bretagne et s'intéresse plus particulièrement à celui de Liam, 16 ans, qui vit de petites combines pour gagner un peu d'argent. De rackets minables en contrebande de cigarettes, de petits larcins en trafic de drogue et, pour finir, en complicité active avec un gang organisé, Liam s'enfonce dans une situation qui devient inextricable. En même temps que son copain Pinball.

Il faut dire qu'ils ont tous deux des circonstances atténuantes. Liam s'est élevé tout seul. Malmené par la vie, en rupture scolaire, il doit concilier son existence avec une mère en taule et un beau-père parfaitement crapuleux. Les origines de Pinball (parents junkies) ne valent guère mieux et l'on voit mal comment le duo va pouvoir se tirer d'affaire.

On retrouve dans SWEET SIXTEEN la patte de Ken Loach: sens de la narration, remarquable direction d'acteurs (tous non professionnels), précision de la description et réalisme des propos. Réalisme du langage aussi: on voudra bien - mais sans doute difficilement! - accepter que celui des deux protagonistes soit le plus ordurier possible (en Angleterre le film a été même interdit aux moins de 18 ans pour cette raison-là!) Mais il y a d'autres réserves à faire. La peine que l'on ressent à entrer dans la démarche et à éprouver de la sympathie pour Liam vient sans doute des réticences que l'on éprouve à son égard. Peut-être est-ce parce que ce (très) jeune adolescent semble s'ingénier à accumuler les erreurs et à prendre les plus mauvaises décisions? Ou parce que ses motivations, en soi respectables (il veut permettre à sa mère, à sa sortie de prison, de changer d'existence et il souhaite recréer une famille), paraissent, au vu de son entourage, complètement naïves et utopiques? Le spectateur sait dès lors qu'une catastrophe est inévitable et qu'à 16 ans Liam est en train de se détruire lui-même. ""Tout ça, c'est du gâchis!"" lui lancera très justement sa sœur Chantelle, seul personnage qui donne l'impression de chercher à mener une vie différente. Plus clairvoyante que son frère (elle vit une existence difficile, seule avec un enfant), elle a fait des choix dans ses relations, s'efforçant de ne pas renouer avec une famille à la dérive.

Tant d'énergie gaspillée, tant de possibilités manquées font que l'on finit par se détacher de Liam. On rétorquera sans doute que Ken Loach a voulu décrire ici, parce qu'elle existe, une situation sociale sans issue (Mike Leigh l'avait fait avec plus de talent dans ALL OR NOTHING). Que faire évidemment quand le chômage devient synonyme de délinquance? Le constat est terrible. En cela SWEET SIXTEEN est un tragique réquisitoire contre l'injustice sociale. En même temps que la triste image d'une société qui part en lambeaux."

Antoine Rochat