Iris

Affiche Iris
Réalisé par Richard Eyre
Pays de production U.S.A., Grande-Bretagne
Année 2001
Durée
Musique James Horner
Genre Biopic, Drame, Romance
Acteurs Jim Broadbent, Kate Winslet, Judi Dench, Penelope Wilton, Juliet Aubrey
Age légal 10 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 450

Critique

"Vieillir et perdre la raison... C'est un sujet grave qu'aborde avec délicatesse Richard Eyre, on ne peut que louer son courage. Son film mérite un large public.

John Bayley a écrit Elégie pour Iris, un roman à la mémoire de son épouse, morte au bout de plusieurs mois de maladie d'Alzheimer. Le réalisateur Richard Eyre se risque à traiter ce sujet qui correspond bien peu à ce qu'on a l'habitude de voir au cinéma. La société contemporaine est vouée à la consommation; elle fait de la jeunesse son porte-drapeau et ferme les yeux devant ce qui peut l'en distraire. Comment, dans de telles conditions, évoquer parmi les expériences de l'âge, celles que ne rassure aucun espoir? Ces expériences, il faut pourtant les vivre. Elles s'imposent à l'insu de quiconque.

Ainsi John Bayley (jeune: Hugh Bonneville, âgé: Jim Broadbent), ainsi Iris Murdoch (jeune: Kate Winslet, âgée: Judi Dench). Iris est une philosophe et romancière de renom. Son mari John est critique littéraire. Ils ont derrière eux quarante ans de mariage heureux, bien que pas toujours facile. La forte personnalité, l'anti-conformisme de l'épouse ont souvent laissé dans l'ombre un mari timide, sauvage et admiratif. Pourtant, lorsqu'elle commence à oublier, lorsqu'elle se perd dans une mémoire de plus en plus trouée, c'est lui qui prend le relais pour la maintenir à flot. Il n'y a aucune chance de guérir Iris, les médecins le disent dès le début. Pour autant, faut-il renoncer?

C'est le récit du doute, des lueurs, de l'angoisse que Richard Eyre reprend, au fil des pages d'une histoire vraie. Ce n'est pas facile. Le danger encouru est celui de tomber dans le sentimentalisme ou le mélodrame. Il y échappe, bien que le ton du film se rapproche souvent du romanesque, à la façon du novel anglais. Le film est d'ailleurs présenté comme ""l'histoire d'amour de l'année"". Il vaut mieux dépasser le slogan promotionnel pour découvrir une réalité indicible: comment, pour un cinéaste, faire comprendre les trous de l'esprit qui font chavirer une existence? Comment faire passer l'angoisse des premiers mots perdus en toute lucidité, de l'attente interminable quand le cerveau ne formule pas la pensée que doit expliciter le langage?

Richard Eyre choisit le silence, le regard, l'expression et Judi Dench donne le ton juste à ces moments terribles. Mais c'est surtout le point de vue de John qui s'exprime ici. Lui qui admirait tant sa femme, voit son esprit se dégrader jour après jour. Il revient dans le passé qu'il compare sans cesse avec le présent, soit pour y puiser du réconfort, soit pour mesurer la fissure qui s'élargit de plus en plus entre l'intelligence et la démence. Femme brillante, indépendante, prêchant la liberté, Iris devient un petit chien qu'il faut tenir en laisse. Jim Broadbent sait faire affleurer le désarroi, le refus de croire, la résignation et la révolte aussi.

Du passé au présent, cela signifie deux couples de comédiens auxquels le maquillage donne une bonne ressemblance. John en particulier, semble toujours le même. Et ces quatre acteurs ont suffisamment bien intégré le morceau d'existence qu'ils ne jouent pas, pour que le spectateur se sente tout à fait à l'aise dans les nombreux va-et-vient entre la jeunesse et la vieillesse."

Geneviève Praplan