Critique
"Du VIEIL HOMME ET L'ENFANT à LUCIE AUBRAC, en passant par une riche filmographie un peu en dents de scie, Claude Berri ne cesse de nous surprendre. Le voici qui adapte un roman de Christian Oster et nous offre une comédie douce-amère qui sent quelque part le vieillissement et la nostalgie d'une jeunesse qui s'en va.
Le récit, fidèle au roman, est très simple. Un homme d'âge mûr, Jacques, vit une rupture sentimentale. Après quelques mois, il éprouve le besoin de mettre de l'ordre dans sa vie et dans son appartement, devenu un véritable foutoir. Il engage une jeune fille pour faire son ménage. Elle vient en son absence tous les lundis. Puis le vendredi, jour de congé de Jacques. Puis elle s'installe. On devine la suite.
Dans ce film lent, peu bavard, Berri décrit et dit beaucoup de choses avec finesse et intelligence. Il y a d'abord la solitude de ses personnages, auxquels s'ajoutent d'autres solitaires. Il y a le cheminement de ce couple que tout sépare, l'âge, les goûts, la condition sociale. Laura, la jeune fille, aime la musique moderne et tonitruante, lui la musique classique. Elle aime danser, lui déteste et ne sait pas. A la mer, elle saute dans l'eau et joue avec les vagues, lui reste sur la plage où il semble souffrir davantage qu'un fakir sur sa planche à clous. Elle est nature et avide de dévorer la vie et de vivre le moment présent, lui se laisse faire. Par lassitude d'abord, puis se trouve pris au jeu. Et quand leur relation devient charnelle - cela commence ainsi - il reste l'employeur gêné qui ne sait comment se comporter. Le film s'achève par une pirouette douce-amère qu'on ne saurait raconter. Elle remet toutes choses en place.
Cette œuvre repose tout entière sur les épaules des deux comédiens principaux. Jean-Pierre Bacri, le bourru et Emilie Dequenne, la dévoreuse. Ils sont remarquables dans ces rôles de composition et méritent à eux seuls les deux étoiles du guide Michelin: ""Méritent le détour""."
Maurice Terrail