Visions du Réel : Des poils, des doutes et des rires: Garçonnières de Céline Pernet

Le 27 avril 2022

Présenté dans le cadre de la Compétition nationale de la 53e édition du Festival Visions du Réel (Nyon), Garçonnières de Céline Pernet est un documentaire qui donne la parole aux hommes pour mettre en lumière certains enjeux de la masculinité contemporaine. Pour celles et ceux qui auraient envie de le découvrir, il sera diffusé dans les salles romandes à l’automne.


Céline Pernet a 35 ans. Elle est anthropologue, réalisatrice, a grandi avec l’idée que le prince charmant existait et est célibataire. Alors, en quête d’amour, de sexe mais aussi parfois simplement pour passer le temps, elle se rend à des rendez-vous avec des hommes qu’elle a rencontrés grâce à des applications. Parfois ça fonctionne, parfois ça ne fonctionne pas mais là n’est pas le sujet de son film, seulement son point de départ. Après trois ans de matchs, de kilomètres parcourus en voiture pour retrouver des inconnus aux quatre coins de la Suisse et d’histoires éphémères, Céline Pernet a décidé de donner la parole aux hommes de sa génération (les 30 - 45 ans) pour discuter avec eux de la façon dont ils envisagent leur masculinité et les nombreux sujets qui lui sont étroitement liés. Pour «recruter» ses protagonistes, la réalisatrice a diffusé une annonce sur les réseaux sociaux à laquelle une cinquantaine d’hommes ont répondu. Elle les a tous rencontrés, a réalisé des entretiens face caméra et, avec Karine Sudan, la monteuse du film, elle a retenu un peu moins de trente témoignages qu’elle a ensuite agencés par thématiques - la séduction, le sexe, la virilité, le couple, l’amour, le désir, la paternité? - pour proposer une fresque parcellaire, drôle et touchante visant à répondre à une vaste et complexe question: qu’est-ce que ça signifie d’être un homme aujourd’hui?


Les différents segments du film composés d’extraits d’entretiens sont entrecoupés de scènes in situ qui répondent de façon souvent décalée aux propos construits, spontanés ou pesés des protagonistes. Permettant de chapitrer et de rythmer le long métrage, ces moments en situation nous rappellent surtout que la sociabilisation des hommes passe par le groupe et que l’apprentissage de la masculinité répond à des codes sociaux intégrés, reproduits et répétés mais qu’il est possible de questionner voire de déconstruire. L’usage de la musique - composée et interprétée par Sara Oswald - lors de ces séquences participe de la distance que la réalisatrice cherche à créer et instaure un effet comique qui pousse le spectateur à s’interroger sur les comportements qu’il observe à l’écran.


Personnage à part entière de Garçonnières, Céline Pernet se met en scène, poudre les visages et les crânes rasés pour éviter qu’ils brillent, écoute, questionne et porte un regard amusé et toujours bienveillant sur les hommes qu’elle a filmés. Le commentaire en voix over, récité par la réalisatrice qui raconte sa démarche et dévoile ses réflexions, souligne le caractère résolument subjectif du film qui ne prétend pas représenter une vérité unique et désincarnée mais cherche plutôt à saisir les multiples vérités des hommes interrogés. En laissant se déployer la pluralité, le film propose un discours qui permet de s’extraire du général, du normé et du prescriptif et ouvre ainsi un espace où la nuance autant que les contradictions sont possibles. Quant aux hommes qui ont souhaité témoigner, ils se livrent, hésitent en se raclant la gorge, affirment, parlent de leurs complexes - trop ou trop peu de poils! -, jettent des regards qui en disent long, rient pour masquer leur gêne et mentent parfois pour finalement dévoiler pudiquement que oui, en fait, leur femme ne gagne pas qu’«un peu plus» qu’eux.


Chloé Hofmann


Note: 15