L'édito de Adèle Morerod - Un monde (dis)semblable

Le 23 septembre 2019

Parfois, le cinéma se présente comme un reflet net de nos histoires. Que ce soient celles, brillantes, des membres d’une famille aristocratique de l’Angleterre du début du XXe siècle dans Downton Abbey, ou celles, plus repoussantes, de riches vieillards américains dans le documentaire Golden Age: elles se veulent représentations fidèles, miroirs à peine teintés de temps ou de modes de vies plus ou moins éloignés.

Parfois, le cinéma nous présente des mondes identiques au nôtre, mais dont les contours brouillés, les brèches qui laissent soudain apparaître le fantastique et s’incarner les peurs souterraines de nos esprits, dévoilent très vite l’étrangeté.

Certaines œuvres, comme The Haunting Of Hill House ou Ça: Chapitre 2, adoptent alors le masque distinctif de l’horreur pour dire la difficulté de grandir et le poids des traumatismes qu’il faut porter si longtemps avec soi. Le genre filmique n’est plus là seulement pour faire preuve de ses nombreux tours, il donne aux blessures des personnages un symbole dans lequel elles peuvent s’incarner.

La sélection du TFFL (Tourne-Films Festival Lausanne), fondé cette année, proposait, elle, une plongée directe dans le rêve, autre lieu d’exploration de toutes ces choses que l’on tait, que l’on sait néanmoins. La balade peut être simplement mélancolique mais lorsque la noirceur des mondes imaginés ressort, elle glisse implacablement vers le cauchemar.

Autre espace, autre projection: la Mostra de Venise et ses lumières offrent à leur tour lot de distorsion du connu. Un nom parmi tant d’autres: Roy Andersson, réalisateur de Om Det Oändliga (About Endlessness), croise Histoire et histoires, visages grimés et figures en larmes et propose une métaphore sur la solitude face à un environnement indifférent.

Et puis, parfois, la tragédie est là, tout près, aux portes et aux ports de nos villes. Dans Atlantique, Mati Diop oscille entre l’antique magie à l’œuvre dans les rues de Dakar et la mer, immense, immuable mais marquée désormais de l’ombre de tous ceux qui ont voulu la traverser.