L'édito de Sabrina Schwob - Un cinéma pluriel?

Depuis son avènement, le cinéma n’a cessé d’impliquer différents modes de visionnement. Partie intégrante des spectacles dans les baraques foraines, il était possible, au même moment, de regarder individuellement le défilement d’une bobine sur un petit écran, grâce au kinétoscope d’Edison.

Mais une définition du cinéma s’est à un moment donné cristallisée pour devenir la projection d’un long métrage de fiction dans une salle obscure, en présence d’un public. Pourtant cette délimitation semble trop restreinte, au vu des usages actuels. Comment qualifier dès lors la pratique dominante de visionnement des films, en streaming, potentiellement seul, et non nécessairement sur un grand écran, mais aussi sur des tablettes numériques, chez soi, dans les transports publics?

Si ces films regardés sur d’autres supports sont d’abord pensés pour être distribués en salles, alors il s’agit seulement d’une autre expérience en tant que spectateur, qui, il va sans dire, varie considérablement. Ce dernier s’approprie donc une œuvre, en l’adaptant à un mode qui lui convient mieux, pour des raisons économiques, de confort, etc.

D’autres œuvres, en revanche, n’ont quant à elles jamais été conçues pour une distribution en salles et n’obéissent donc pas nécessairement aux mêmes règles. On pense par exemple à la floraison des web-séries, aux films destinés à une diffusion sur internet, aux vidéos dans les musées…

Une illustration actuelle de cette multiplicité de cinémas et d’expériences cinématographiques se manifeste par la décision de Jean-Luc Godard de projeter son dernier film, Le Livre d’image, présenté à Cannes, dans des lieux alternatifs aux salles obscures (au Théâtre de Vidy notamment, voir l’Agenda culturel), afin de créer de nouveaux espaces de cinéma.

Toujours en gestation, le 7e art se déploie sans cesse, mettant au goût du jour d’anciennes pratiques, profitant du développement de nouvelles technologies, et par ses transformations, révèle aussi les différentes conceptions qui le sous-tendent.