Tales From The Loop de Nathaniel Halpern

Le 29 avril 2020

Amazon a doté son catalogue d’une série de science-fiction qui, sous des abords simples et gracieux, se révélera pour certains pompeusement «poétique». A voir néanmoins, si l’on souhaite cercler son confinement d’un questionnement qui ramène à soi.

Tales From The Loop met en scène différents personnages confrontés à leur humanité, à leur condition dans ce qu’elle a de plus universel et de plus déroutant: épreuve du temps, de l’amour, du manque et de la mort. Tous ces personnages habitent une petite ville américaine dont la spécificité est d’abriter dans ses souterrains un étrange appareil («the loop»), engin capable de percer certains mystères de l’univers, mais surtout, semble-t-il donc, de renvoyer l’homme à lui-même. Singulière série de science-fiction: si elle ne cherche nullement à nous en mettre plein la vue par le biais d’une imagination techno-physique, elle entend bien néanmoins sidérer le spectateur… en jouant massivement la corde métaphysique. Avec mélancolie, ô combien.

Et comment ne pas être (douloureusement) séduit? Superbe photographie, plans contemplatifs, eau et forêts, dialogues à la fois minces et lents, minimalisme poignant de Philip Glass qui cosigne la musique: l’enchantement opère. D’abord. Et puis il se peut qu’on s’en lasse, voire qu’on n’en puisse plus. Huit épisodes, ce n’est pourtant pas si long, mais quand même, en fin de compte: ne s’est-on pas trop appliqué à faire de la «poésie», dans cette affaire? Et ce questionnement tout cotonneux, n’est-il pas voué à flotter plus qu’à percer? Oui, il est possible que le spectateur finisse par se dire que cette proposition d’abord subtile, profonde, émane en réalité d’un esprit pesant qui se donne des airs importants.

Reste qu’il s’agit là d’une œuvre qui, de par son métabolisme si lent et le regard qu’elle porte sur l’homme, l’existence, a l’heureuse insolence de faire pièce à l’entreprise qui l’héberge: Amazon. C’est certain, on ne pourrait imaginer plus contrastante enveloppe. Mais surtout, nous retiendrons de cette série ce qui est peut-être son atout majeur: un univers visuel inspiré de Simon Stålenhag, peintre numérique qui émaille les campagnes suédoises de robots vieillis et autres artefacts rétrofuturistes. Mariage bien senti: en mêlant ses thématiques existentielles à cette réversible futurologie, Tales From The Loop nous rappelle que toute question jetée au-devant de soi ramène aux origines: l’avenir est nostalgie.


USA, 2020 - Diffusion Amazon Prime - Saison 1 : 8 épisodes d’environ 55'. Acteurs : Jonathan Pryce, Rebecca Hall, Paul Schneider, Duncan Joiner. Musique : Philip Glass, Paul Leonard-Morgan. Genre : Science-fiction. Âge : 18. Note : 13

Alexandre Vouilloz