Squid Game

Le 20 octobre 2021

PAYS/ANNEE DIFFUSION
SAISON 1
ACTEURS
CRÉATION
MUSIQUE
GENRE
Corée du Sud, 2018 Netflix

9 épisodes

32 -63 minutes

Lee Jung-jae
Hwang Dong-hyuk
Jung Jae-il
Drame
Science-fiction



Park Hae-soo






Oh Yeong-su
 





Jung Ho-yeon




NOTE 18

Série Netflix au démarrage record, Squid Game nous enferme dans un univers de jeux tordus, glaçants, carnassiers, sanglants.

En Corée du Sud, 456 personnes se retrouvent emprisonnées dans une structure concentrationnaire - pour y jouer. Rien d’amusant cependant: l’échec signifie la mort. Ce sont notamment les gardes étranges de cette prison, affublés de combinaisons roses, armés de pistolets ou de fusils, et masqués comme des escrimeurs, qui sont chargés d’abattre les perdants. Et ce sont eux également qui, au son d’une vile petite musique, enjouée, mélodie d’espoir et de clarté, eux donc, employés mystérieux d’une hiérarchie opaque, qui viennent systématiquement chercher les survivants pour les conduire dans un nouvel abattoir (sur un nouveau terrain de jeu).

Mais donc, pour jouer à quoi?

Là se situe la charge ironique la plus cruelle: des jeux d’enfants. Un, deux, trois, soleil, par exemple, ou le jeu du calamar (squid game en anglais). Pour chaque mort, une pluie de billets tombe dans une grosse tirelire en forme de cochon, transparente et suspendue, proche et lointaine. Elle brille, comme, la caressant, les regards des joueurs amochés, tous pauvres dans la vie au-dehors, tous endettés, désespérés. Le gain potentiel devient impressionnant. Dehors, il n’y a plus aucun horizon: la «vraie vie» n’est-elle pas pire?

Il est possible de voir dans cette histoire une métaphore critique: celle de la brutalité d’un monde politico-économique saignant une partie de la population avec cynisme, avec surtout des tentacules que la mort même des «ressources humaines» ne repousserait pas, si elle s’avérait monétisable - par exemple sous forme de jeux. Mais plus que la soif d’argent, c’est l’écart humiliant creusé par celui-ci entre exploitants et exploités qui est mis en évidence. Le jeu commence en dehors, dans le monde «libre», par une étape transitoire, et c’est dans la série la première scène (elle sera suivie de bien d’autres) qui sidère: un homme à la coiffure et au costume impeccables, un sourire calme et presque doux sur le visage, propose donc un jeu à un malheureux endetté (Seong Gi-hun, incarné par l’excellent Lee Jung-jae). Celui-ci ne pourra pas payer lorsqu’il perd, mais qu’importe? Il est évident que l’argent n’intéresse ici pas celui qui porte la cravate: il se contentera, et sans dissimuler son plaisir tiré de ces humiliations répétées, de baffer son concurrent, encore et encore. Oui, la série est violente, et ce d’un bout à l’autre.

Mais qu’elle est belle, aussi. Lumières et décors sont une force majeure de cette œuvre. Ils jouent la plupart du temps sur un effet de contraste avec l’horreur des jeux: ainsi cette salle aux murs couverts de petits nuages bleus, aux contours bien définis, comme esquissés par un esprit d’enfant, dans le jour le plus clair; ainsi le petit toboggan dans cette même salle… L’ambiance de garderie qui règne d’abord dans la salle (avant le commencement du jeu), cause un malaise très particulier, que ne saurait produire le plus sombre des décors.

Notons pour finir que les acteurs, tous, servent à merveille un scénario bien goupillé. Les rebondissements, si fréquents, engendrent une tension quasi permanente; et à la différence des surprises invraisemblables, «truquées», qui dynamisent à moindre frais bon nombre de films ou de séries, celles que réservent les jeux de Squid Game ne semblent (presque) jamais occasionnées par le besoin disgracieux de relancer une machine vide et poussive: retournements de situation, surgissements de personnages, disparitions, trahisons, alliances soudaines, tout semble ici procéder d’une nécessité interne à l’histoire (psychologie des personnages, sens moral opposé, contraintes du dispositif carcéral, règles des jeux, etc.) En bref, l’affaire a été très bien pensée.

Qu’en sera-t-il de la deuxième saison? Le risque, comme si souvent, est de voir cette dramaturgie conçue avec finesse, sur un temps sans doute assez long, se perdre dans une suite pataude qui la réchauffe à la va-vite et la détruise. Espérons que ce ne soit pas le cas.


Alexandre Vouilloz