Small Axe de Steve McQueen

Le 24 mars 2021

PAYS/ANNEE DIFFUSION
SAISON 1
ACTEURS
SCÉNARIO
MUSIQUE
GENRE
ROYAUME-UNI 2020
Salto.fr

5 épisodes

63 -128 minutes


Letitia Wright
Steve McQueen
Mica Levi
Drame



Malachi Kirby
Courttia Newland





Shaun Parkes
Alastair Siddons





John Boyega






Alex Jennings




NOTE 18

En cinq films constituant une série d’anthologie, Steve McQueen dépeint un bout d’Histoire de la communauté afro-caribéenne à Londres, des années 60 à 80. Si les épisodes sont indépendants les uns des autres, l’œuvre tisse continuellement des liens entre ses différents récits qui traitent tous du racisme institutionnel du Royaume-Uni.

Le premier épisode (intitulé Mangrove) relate l’histoire vraie des Mangrove Nine, un groupe d’activistes noirs britanniques jugés pour incitation à l’émeute. La première partie du film, via des scènes de perquisitions volontairement répétitives, démontre la persécution de la police vis-à-vis de la communauté noire, et en particulier du lieu de vie et de rencontres qu’est le restaurant antillais Le Mangrove. Une subtile ellipse temporelle plus tard, les neuf membres du groupe sont arrêtés lors d’une manifestation (une séquence palpitante parfaitement retranscrite où la tension entre manifestants et force de l’ordre monte progressivement). Cet événement nous mène à la seconde partie: le procès. Faisant indéniablement écho au trop académique Les Sept de Chicago, les scènes de tribunal sont rondement menées et offrent quelques séquences subtiles absentes du film d’Aaron Sorkin. Sortent notamment du lot certaines plaidoiries des accusés illustrant - au-delà de la condamnation individuelle - l’importance historique du procès. Dans la même veine, lors du verdict, la caméra préfère se concentrer sur la réaction de l’un des accusés (le propriétaire du restaurant) plutôt que sur le juge donnant sa sentence. Ingénieux et puissant.

Le deuxième épisode est le parfait contrepoint du premier. Alors que Mangrove s’ancrait dans le concret et l’historique, Lovers Rock nous plonge dans l’instant d’une soirée reggae sensuelle et sensorielle. Des préparatifs à l’aube, l’immersion est totale. Le film s’attarde sur les corps qui évoluent, en même temps que la soirée, sur la piste de danse. Les scènes durent délibérément plus qu’il ne faudrait, comme lors de ce moment envoûtant où, le vinyle ayant cessé de tourner, l’ensemble des convives reprennent en boucle et a cappella le refrain de la chanson précédente.

Les deux segments suivants (tous deux inspirés de faits réels) sont également réussis même si moins enivrants. Red, White And Blue suit le destin de Leroy Logan, un jeune homme brillant. Lassé de son travail de laboratoire, il décide de rejoindre les forces de l’ordre pour agir sur le terrain. Alors que son père est agressé par des policiers racistes, Leroy met un point d’honneur à changer les mentalités de l’intérieur. Considéré comme un traître par une partie de sa communauté (l’insultant de «noix de coco», car noir à l’extérieur, mais blanc à l’intérieur!), il doit également faire face au racisme de ses collègues, ainsi qu’à la désapprobation de son père. Sans excès, le film parvient à développer son récit et à le terminer par une note positive en réconciliant père et fils. Alex Wheatle, quant à lui, raconte l’histoire de l’écrivain du même nom. Articulée en flash-back depuis la cellule de prison où Alex est enfermé, la narration manque d’originalité pour captiver. Les événements traités le sont trop brièvement et superficiellement, faisant de l’épisode le moins réussi de la série.

Pour terminer, Education aborde la thématique de la ségrégation dès l’école. Kingsley, 12 ans, est un élève studieux. Doué en math et passionné d’astronomie, il souffre de dyslexie. Raison suffisante aux yeux de la direction de son établissement pour l’envoyer dans une école dite «spécialisée». L’œuvre dénonce les faits - aujourd’hui avérés - ayant eu lieu dans les années 70 durant lesquelles un grand nombre d’enfants noirs étaient dirigés vers des écoles pour élèves cruellement nommés «sub-normal» (soit «en dessous de la normale»). Intelligemment, le film ne considère pas Kingsley comme un génie incompris, mais tel un élève comme les autres injustement écarté du cursus scolaire classique. Ce récit vient clore Small Axe de la plus belle des manières, en nous offrant sans doute l’épisode le plus sensible de la série.

Small Axe est donc un polyptyque composé de cinq tableaux qui, une fois réunis, viennent former la représentation d’une société parcourue de discriminations et d’injustices. Notons en guise de conclusion que la série doit son titre aux paroles de la chanson éponyme de Bob Marley: «If you are the big tree, we are the small axe». Espérons que cette petite hache parvienne à faire définitivement tomber l’arbre, aussi gros soit-il.