L'édito de Adèle Morerod - Quand la main désigne le ciel…

Le 24 octobre 2019

Si le cinéma est affaire de regard sur le monde - doucement désenchanté dans Rêves de jeunesse d’Alain Raoust -, ce dernier s’incarne dans la forme et le propos même des films, indiquant plus ou moins fortement au spectateur où il doit poser ses yeux. Et sa réflexion.
La lutte menée dans Papicha, de la réalisatrice algérienne Mounia Meddour et dans Hors normes, du duo Toledano-Nakache, est claire : valoriser la différence, que ce soit celle de jeunes femmes libres dans un pays déchiré par la guerre civile ou celle du handicap, à travers le quotidien de deux centres d’accueil. La passion mise dans de tels projets s’accompagne d’un rythme, d’un ancrage émotionnel, d’acteurs splendides qui ont pour but de saisir le spectateur, et ne plus le lâcher. Ni le laisser regarder ailleurs.
Cette implication du film vis-à-vis de son sujet se traduit parfois directement sur l’écran, comme en témoigne Camille, récompensé au Festival de Locarno et qui revient sur les derniers mois de la journaliste française Camille Lepage. Que ce soit symboliquement par la présence de l’appareil photo à l’écran ou par l’insertion des clichés pris par la journaliste en République centrafricaine, le point de vue de la fiction embrasse celui de la photographe. Les productions Screenlife (voir « Un regard sur »), elles, vont jusqu’à substituer à la représentation un écran d’ordinateur où se joue tout le récit. Spectateur, personnage et utilisateur se confondent ainsi totalement.
Certains films, à l’inverse, tentent d’éviter la prise de position trop marquée. Ainsi, Joker de Todd Phillips, tant attendu, tant acclamé, se refuse à attribuer la folie à son personnage ou à la société qui l’entoure. Il évite ainsi de rendre raison de la violence qu’il met en scène. Évitons donc cette fausse transparence en rappelant que dans les lignes qui précèdent, comme dans les pages qui suivent, nous aussi vous invitons à regarder quelque part.