L'édito de Adèle Morerod - Prendre au sérieux le comique

Le 27 février 2020

Sonic le film occupera peu de place dans les pages suivantes de ce numéro - et, on l’espère, dans les sorties cinéma des spectateurs. Il témoigne toutefois d’une drôle de tendance du cinéma contemporain: celui de banaliser la bêtise. Que ce soit dans les films d’action (Fast & Furious: Hobbs & Shaw, USA, 2019), dans les comédies (All Inclusive, France, 2019) ou dans les films pour plus petits (La Grande Aventure Lego 2, USA, 2019), elle sert très souvent de ressort comique. Quand elle n’est pas tout simplement un trait de caractère du héros, déguisée en naïveté charmante ou en obstination musclée.

Car quand elle est du côté des gentils, elle est finalement négligeable, puisqu’ils œuvrent pour le Bien. Que ces derniers, à l’instar du collègue policier de Tom dans Sonic le film, puissent basculer sans peine du côté du Mal si on le leur peignait sous des auspices attrayants ne semble pas entrer en question. Le flic stupide mais sympa restera stupide et sympa. Et il fera rire (de lui)! Pendant ce temps, personne ne songera à remettre en question le système de valeurs qui se déploie entre les blagues. C’est bien l’idée: réduire la bêtise, le décalé, l’inadapté à de l’insignifiant pour mieux promouvoir un ordre immuable autour.

Et si l’on embrassait à nouveau l’idée d’un rire qui provoque, d’une maladresse qui questionne, d’une idiotie pétillante de malice et de sensibilité? Charlie Chaplin, Ernst Lubitsch, Billy Wilder, Jacques Tati... ils sont nombreux ceux qui ont su prouver qu’il n’y a rien de plus sérieux - et de puissant - à opposer à la bêtise du monde qu’un humour qui entraîne ailleurs.