L'édito de Adèle Morerod - Parole, parole

Le 19 juin 2019

Mettre en avant les mots au cinéma n’est pas toujours évident. Domaine de l’image par excellence, il cherche plutôt à en mettre plein la vue - que ce soit ici dans la recherche du spectaculaire avec Men In Black: International, ou celle de l’horreur, dans l’oubliable Ma.

La question se pose notamment lorsqu’il s’agit de traduire à l’écran le processus créatif à l’origine d’une œuvre littéraire. Sous les atours bien soignés du biopic classique, Tolkien revient sur la jeunesse du célèbre auteur britannique, préférant toutefois au travail d’écriture le bruit et les représentations brutales du conflit mondial, bien plus impressionnants.

Histoire fantaisiste d’un paysan qui lit Cyrano de Bergerac à ses poules, Roxane parvient, avec peu de moyens, à faire entendre les grands textes du théâtre français. Mais à côté de la capacité de l’acteur à incarner les paroles qu’on lui confie, il y a aussi le talent des scénaristes - dont on doute parfois face aux dialogues ineptes de certaines productions. Ceux de L’Invité confèrent pourtant leur douloureuse réalité aux mots qui accompagnent la rupture, révélant par là même les troubles intérieurs de deux êtres qui se sont aimés et se retrouvent soudain confrontés à eux-mêmes.

Et puis, il y a le travail de l’ombre - et de longue haleine - des doubleurs, éclairé par l’article « Un regard sur » : recréer un discours, avec le rythme et les intonations propres à une langue, et le faire coïncider avec un corps qui ne l’a pas prononcé. Mais que l’on préfère les sous-titres aux doublages, ou l’inverse, tendre «l’oreille» pour percevoir une parole est quoi qu’il en soit un bon début si l’on veut comprendre autrui.