Les peurs de Hollywood

Le 26 février 2006

Laurent GUIDO (dir.)*

Chaque nouveau film d’épouvante invite à s’interroger : quelle peur sociale, ou politique, voire spirituelle reflète-t-il ?

L’hypothèse est en effet séduisante : tant les monstres envahisseurs que les morts (-vivants) ou telle créature issus de quelque dérapage de laboratoire scientifique (avec le savant fou comme « maître du monde), tous, qu’ils appartiennent au genre fantastique ou science-fiction, tous exprimeraient, plus ou moins explicitement, les craintes d’une époque et les angoisses intérieures de ses contemporains, jusqu’à susciter autant le dégoût que la fascination. Mais – et c’est tout l’intérêt de ce recueil d’articles – l’ensemble n’est pas homogène et bien plus riche que supposé.

Livre PeursHolywoodA l’immense variété de films produits par le cinéma fantastique américain correspondent en effet des lectures socio-politiques du monde fort différentes que révèlent fort bien l’ensemble des auteurs réunis autour de Laurent Guido qui enseigne le cinéma à l’Université de Lausanne et à l’EPFL. Ainsi, du KING KONG de 1933 aux récents X-MEN, les productions d’Hollywood attestent que les peurs d’hier sont analogues à celles d’aujourd’hui : l’autre génère l’angoisse au point que, comme le relève Dick Tomasovic, « la hantise d’un pays construit sur l’anéantissement de l’autre, sur le génocide indien (une espèce en remplaçant une autre) est inlassablement et paradoxalement reformulée et métaphorisée dans des produits de divertissement ».

Les fines analyses de KING KONG(1933), L’HOMME INVISIBLE (1933), THE ATTAK OF THE 50 FOOT MAN (1958), THE INVAION OF THE BODY SNATCHERS (1956), LA NUIT DES MORT-VIVANTS (1968) ou de films-catastrophe comme L'AVENTURE DU POSEÏDON (1972) ou LA TOUR INFERNALE (1974), qui s’offrent en réalité comme des films-purges des maux de société, appellent finalement à ne pas considérer comme un genre mineur le film jouant avec les peurs collectives ou les angoisses individuelles. Au contraire, à l’inverse d’un scénario qui parfois prête à sourire, le miroir de la société qu’il tend au spectateur renvoie parfois une image d’une grande complexité.

Serge Molla

*Lausanne, Editions Antipodes, 2006, 276 p.