À lire pour mieux embrasser l’histoire du cinéma

Le 22 septembre 2021

L'ouvrage 100 grands films de réalisatrices de Véronique Le Bris plonge dans de brillants chefs-d’œuvre trop souvent oubliés.


Si Les Femmes de l’ombre ou Les Figures de l’ombre n’étaient pas des titres de films, ces mots pourraient désigner toutes celles qui sont au cœur de l’aventure du septième art, tant leurs noms, leurs parcours et leurs œuvres ont été occultés. Aussi, 100 grands films de réalisatrices de Véronique Le Bris, très richement illustré, corrige-t-il cet oubli en braquant le projecteur sur cent d’entre elles. Et quel bonheur de découvrir dans cet ouvrage - si seulement on pouvait écrire redécouvrir - cent magnifiques films qui rendent enfin visible ce qui était invisible: l’apport magistral et le talent de femmes qui ont fait l’histoire du cinéma, tout autant que les réalisateurs.


En 1896, Alice Guy tourne La Fée aux choux, première fiction de l’histoire du cinéma et premier film d’une femme qui poursuivra sa carrière en France, puis aux États-Unis jusqu’en 1920. Mais qui la connaît aujourd’hui? Et tant d’autres noms vont suivre, ouvrant des pistes inédites, traduisant d’autres sensibilités, abordant d’autres questions que celles de leurs confrères ou sous d’autres angles. Ainsi Lotte Reiniger réalise le premier long métrage d’animation européen avec Les Aventures du prince Ahmed (1926), Maya Deren inaugure le cinéma expérimental américain avec Meshes Of The Afternoon (1943) et Agnès Varda annonce la Nouvelle Vague avec Cléo de 5 à 7 (1961). Certaines se montrent audacieuses et n’hésitent pas à braver censure et interdits. Ida Lupino raconte avec Bigamie (1953) une histoire d’adoption qui, loin d’être un vaudeville, «porte un regard unique sur les problématiques sociales de son temps», comme l’écrivait avec justesse Adèle Morerod. Ou plus récemment, en 2012, Haifaa Al-Mansour non seulement tourne le premier film d’Arabie saoudite, mais y aborde tant les questions religieuses que celles du statut des femmes en racontant, avec Wadjda, l’histoire d’une gosse de 12 ans qui veut un vélo pour faire la course avec son copain Abdallah.


Le recueil permet bien sûr de trouver quelques films connus (Diabolo menthe, Trois hommes et un couffin, Persepolis, L’Enfant d’en haut, Wonder Woman) ou quelques noms retenus (Jane Campion, Sofia Coppola, Ursula Meier). Toutefois, il offre beaucoup plus que cela, en invitant à élargir l’horizon de nos perceptions, jusqu’à s’interroger: y a-t-il une manière féminine de filmer? Chacun·e répondra personnellement à la question. Mais finalement la réponse importe peu, alors que compte l’urgente nécessité de reconnaître l’apport immense et décisif de tant de réalisatrices, d’hier, certes, mais d’aujourd’hui également, et ce, dans tous les genres qui vont du portrait intimiste, de la fresque historique au film d’animation ou d’action, sans oublier les films traitant de politique, de science-fiction ou d’horreur.


Autant dire que cet ouvrage, qui se lit dans n’importe quel ordre, est plus qu’utile, car il s’arrête non seulement sur cent films solides de réalisatrices des cinq continents, mais il invite aussi à en découvrir d’autres qui élargiront encore nos regards.